« This is the end, and the beginning of someting »

Certains garçons savent dès le premier d’œil qu’ils aimeront une femme. Une seule. C’est ce qui arriva à Toma Cortez, sorcier de la Spring Court. Toma était un homme élégant, courtisé. Il appartenait à la grande famille des Cortez. Comme de nombreux sorciers, Toma était marié à une femme qu’il n’aima jamais. Il la respectait, c’était là la limite de son amour. Puis Toma rencontra Teresa, une femme forte et une sorcière de seconde zone. Elle ne maîtrisait aucun sortilège correctement. Si Toma était un sorcier digne de sa femme, Teresa était son antagoniste parfaite. Faible, mais doté d’un grand cœur. C’est pour ce cœur que Toma craqua. C’est pour ce grand cœur que Toma abandonna jusqu’à son esprit guerrier : il devînt le plus fervent pacifiste. Il épousa la cause de Teresa pour les humains. Pire, il devînt un humain à ses côtés, jurant de ne plus utiliser la magie, cette science qui corrompt les cœurs.

De cette union naquît un enfant : Gabriel. On lui offrit un nouveau nom. Ortega. Il marquerait la césure entre ses parents et le monde magique. Il était le nouvel espoir, la promesse d'un renouveau.


Gabriel grandit chez lui, dans une maison avec les humains. Sa nature lui fut cachée. Jamais il ne sut, durant son enfance, qu’il était le descendant d’une très grande famille. Il n’avait pas besoin de savoir. Toma et Teresa avaient tiré un trait sur le monde magique, et c’est avec les humains – ces créatures inférieures – qu’ils vivraient en harmonie. Cette décision valut pour Gabriel.

Jeune, Gabriel ne fut jamais seul. Il avait un frère, plus jeune d’une année : Mateo. Mateo et Gabriel étaient les meilleurs amis du monde. Complices. Proches. Ils étaient l’exemple de la parfaite fratrie : un symbole de l’accalmie d’une famille détruite par la magie. Mais comme le temps ne s’écoule jamais correctement, la vie n’est jamais simple. Difficile présage, Gabriel ressentit une perturbation très rapidement. Il avait cinq ans. C’était une émotion étrange, violente. C’était comme un fleuve qui ne pouvait s’empêcher de couler. C’était une violente prémonition. Mateo devînt gravement malade. Un Cortez – qu’il ait ou non changé de nom – respecte sa parole. Et Toma renonça à la magie pour secourir son fils, un de ses antiques joyaux. Un Cortez est bien bête. Par fierté, il renonça à la vie de son fils. Et Mateo devînt poussière.

Gabriel perdit son sourire sincère. Cinq ans, et il était déjà brisé par le monde.


Brisé. En colère. C’est ainsi que les années marquèrent le jeune homme. Comme son père des années avant lui, il épousa un comportement colérique. Il était jeune. Il était à la recherche de sensations fortes. Le poing serré, il s’offrait l’excitation de sa colère. Comme son père, il s’offrait cette violence pour prouver au monde que lui, Gabriel Ortega, existait. Et comme son père avant, il n’avait pas peur du sang. Poing serré, muscle bandé, il frappait tous les humains qui étaient plus grand que lui dans l’espoir d’un affrontement. Ce n’est qu’ainsi, roué de coup, qu’il se sentait important, qu’il se sentait vivant.

Et l’Amour frappa. Il était jeune mais il savait. Dès le premier regard, il comprit ce que c’était. C’était Elle. Elle le tira d’un mauvais pas, et il l’ignora en retour. Comme si elle ne l’avait pas aidé, comme si elle l’avait juste embêté. Il la connaissait cette fille. Maudite fille. Elle était une miss je-sais-tout, avec des facilités partout. Elle, elle avait l’attention de tous. Gabriel ne lui avait jamais parlé. Mais dès qu’elle le tira d’un mauvais pas, il comprit que sa vie se définirait en fonction de la  sienne. Une folie de sentiment pour un cœur aussi frêle, c’est rarement bon signe.


Comme chaque histoire, ils s’oublièrent jusqu’à se rencontrer violemment. Gabriel était plus sage. Aventureux, mais sage. Il avait éteint sa colère. Elle était un souvenir. Elle, en revanche, cette mystérieuse fille, n’était pas un souvenir. Il devînt naturellement son ami, comme si c’était là tout ce qui importait. Mais il avait des sentiments, des sentiments dont il avait à peine conscience. Il illustra ceux-ci avec sa gentillesse. Il l’aidait quand il le pouvait. Il lui offrait des cadeaux quand il le devait. Un jour, il lui céda la montre de sa mère, un antique objet de valeur qu’elle recherchait pour sa mère. C’est à ce moment que Gabriel comprit ses sentiments. Brillants de candeur, le jeune homme ne sut comment se comporter, et il sentit un besoin d’être là pour elle. Une complicité naquît entre les deux.

Ils grandirent ensemble. Complices. Amis. Meilleurs amis. Ils évoluèrent dans ce monde. Sans elle, le monde serait si terne. Elle décida fatalement de rejoindre la voie familiale, la rebellion contre les sorciers, une cause que le brave Gabriel n’embrassait pas. Mais pour la protéger, il se sentit obligé de se joindre à ses excursions. L’Amour fait faire des choses folles.


La rébellion l’amena à évoluer dans un monde différent. Plus extrême, plus violent. Non sans crainte, Gabriel évoluait en parallèle. Il avait sans cesse peur de la perdre, de la voir sombrer dans la folie des membres les extrémistes. Il s’opposait ouvertement aux méthodes expéditives. Mais, jamais, il ne renonça à ses sentiments. Avec force, il vînt à l’accompagner. Il lui sauva la vie lorsqu’elle fut blessée, négociant avec les rares sorciers qui acceptait d’aider des humains.

Et.. le malheur arriva. Alors qu’elle se remettait encore de ses blessures, les membres de son groupuscule – des extrémistes – s’en prirent à la famille Ortega. Le sang de sorcier révélé, Toma et Teresa ne succombèrent à la tentation d’abandonner – pour sauver leurs vies – leurs promesses de n’user la magie. Ils furent massacrés par trois individus. Trois meurtriers. Trois terroristes. Ce meurtre réveilla le pire instinct de Gabriel. Il s’éveilla à sa colère sacrée. Il donna libre court à celle-ci, offrant aux meurtriers un châtiment pire que la mort.


Seul. Il ne pouvait compter que sur son amie. Elle, elle comprendrait sa douleur. Lorsqu’il se rendit à son chevet, il découvrit son absence. Pire. On lui montra les registres des sorciers. Il pleura lorsqu’il vit son nom. Elle était morte. Morte comme ses parents. Gabriel tomba à genoux. La douleur s’ancra en lui, pour ne jamais le quitter. Il avait tout perdu. Il était perdu. Il était seul. Seul au monde.

Les sorciers le guidèrent alors, conscient de son identité. Il était le fils de Toma Cortez, de la Spring Court. Il avait encore de la famille. Il avait un cousin : Flavio. Il était temps qu’il revienne sur la parole de son père. Il avait échoué avec les humains. C’était sa mission, le rôle qu’il lui avait confié. Il était Gabriel Ortega de la famille Cortez, un sorcier de la Spring Court qu’il épousa. Il accepta sa nature, et fit ce que son père n’avait jamais pu faire : accepter qui il était.

Ainsi son long apprentissage du mode de vie sorcier débuta.