Time in sight. || Ft. Ash

“time in sight” — Il est rare qu’Ashby se déplace à domicile, mais cette fois-ci, le cas à l’air assez important pour qu’il y aille sans trop râler. En temps normal, ce sont les clients qui viennent à lui, même lorsque c’est pour qu’il brise des sortilèges défectueux, comme ça semble être le cas ici. Mais le sorcier qui l’a appelé a bien spécifié qu’il ne pouvait pas bouger l’objet en question, que ça pourrait avoir des conséquences imprévisibles. Il ne lui a pas donné tous les détails, mais ce fut assez pour piquer la curiosité d’Ashby. Ça l’intrigue, et il a besoin de savoir, c’est presque maladif. Tout ce qui a trait à la magie l’intéresse, et de son avis, les sorts et maléfices ratés sont fascinants. Comme si la magie s’échappait pour n’en faire qu’à sa tête. Et il est bien placé pour savoir que de nombreux sortilèges utilisés aujourd’hui étaient à la base des erreurs monumentales, bien loin du résultat escompté. Cela dit, la majorité du temps, les objets qu’on lui ramène sont simplement dangereux, et doivent être neutralisés rapidement. Ce ne sont pas non plus des bombes à retardement, une fois que l’on sait qu’ils sont ensorcelés, il est facile de faire attention, mais la majorité de ces objets étant des outils du quotidien, on ne s’en méfie pas avant que le sortilège n’agisse. Son boulot a lui, c’est simplement de neutraliser ce sortilège, en faisant le moins de dégâts possibles à l’objet, avant de le rendre à son propriétaire. Il est devenu compétent dans ce domaine avec les années. Il faut dire qu’en tant qu’antiquaire, il tombe souvent sur de vieux meubles piégés, des objets rares et précieux qu’un propriétaire depuis longtemps décédé a décidé de protéger pour éviter que quiconque d’autre mette la main dessus… Ashby ne compte plus les fois où il s’est fait avoir par ce genre de protection à ses débuts. Ça peut aller de la simple impression de malaises, à des hallucinations, des brûlures… Une fois, l’un de ces maléfices l’a collé au lit avec des frissons pendant plusieurs jours. Il est beaucoup plus prudent depuis, mais il sait qu’un accident est vite, très vite arrivé.

L’appartement où il doit se rendre se trouve dans l’Upper West Side, et Ashby est vite arrivé à destination. L’écart de température entre le Lower Manhattan et ce quartier – enfin, avec le reste de New York – ne manque pas de le faire râler, comme à son habitude. Rien que d’imaginer que l’été arrive bientôt, ça le déprime. Pendant les mois estivaux, il quitte encore plus rarement le quartier de l’Hiver que d’habitude, ce qui est un exploit. Il a du mal avec les températures dès qu’elles passent au-dessus de zéro, de toute façon.

Il appuie sur la sonnette, observant l’extérieur de la façade de l’immeuble dans lequel est renfermé l’objet défectueux. Jetant un coup d’oeil aux alentours, il ne peut pas s’empêcher de remarquer à quel point le quartier de la Nuit est différent lorsqu’il fait jour. Tout semble fonctionner au ralenti, comme endormi.
La porte s’ouvre et Ashby serre la main tendue de Thaddeus Ravenwood, lui rendant son salut. « Par ici. » Dit-il sans plus attendre, semblant vraiment pressé de se débarrasser de son problème. Ça ne dérange pas Ashby, au contraire, il y a peu de choses qu’il aime moins que de devoir faire la conversation avec ses clients : pas parce qu’il s’en fiche (enfin, si, un peu) mais surtout parce que chacune des deux parties ne veut pas parler, et le fait souvent simplement par convention sociale.
Ashby suit donc l’autre sorcier, descendant les marches jusqu’à un sous-sol. « Voilà pourquoi je t'ai fais venir. » Ça aurait pu être presque comique, pour n’importe qui d’autre : un vase se tenait au beau milieu de la pièce. Il aurait attiré l’oeil de n’importe qui, mais Ashby repère rapidement l’essence magique qui l’entoure, les éclats de lumière qui semble se mouvoir autour du vase.

« Ça fait quelques temps déjà que j'étudie une façon de faire régresser des objets à leur état d'origine. » Lui dit-il, et il se contente de hocher la tête. C’est une idée originale, et il aurait bien des questions à lui poser. De toute façon, il devra bien en poser quelques unes à propos de ce vase, mais ça ne sert à rien de l’interrompre maintenant. « Donc je réussi à transformer ces vases en sable, mais sur celui-là, ça n'a pas eu le même effet et il... » Il secoue la tête, et la curiosité d’Ashby en est décuplé. Il doit se retenir de s’approcher du vase directement, sans prendre la moindre précaution. « Une image vaut mille mots... »
Le sorcier fait simplement deux pas en avant et les lumières sur le vase semble s’agiter, comme s’ils reconnaissaient sa présence. Puis, le vide. Ashby fait un pas en arrière, par réflexe, alors que les meubles de la pièce ont tout simplement disparus. Les murs sont abîmés, nus, et un homme est en train de les recouvrir de ciment non loin. Un homme qui a exactement les mêmes traits que Thaddeus, bien que plus jeune. « J'espère que t'as une idée, parce que je commence à fatiguer de voir ma vie défiler. » Ashby hoche la tête, les bras croisés sur sa poitrine. Ses pensées filent à toute vitesse, cherchant une solution. « Une illusion, donc. » Dit-il, réfléchissant à voix haute. « C’est dans mes cordes. » Il aurait préféré travailler dans le confort de son atelier, mais… « Tu as raison cela dit, mieux vaut ne pas le déplacer, si l’on doit juste s’en approcher pour qu’il s’active. »  Il doit bien avouer qu’il est impressionné. Ce sortilège est puissant, même s’il est accidentel et pour le coup, plutôt agaçant. Et puis, au moins, ce n’est pas un sort qui risque de le mordre ou de l’agresser directement – même s’il ne sait pas comment la magie réagira quand il essayera de la désactiver.

C’est à son tour de faire deux pas en avant, sans vraiment réfléchir. La lumière s’agite à nouveau, et avant qu’il ne puisse se rendre compte de ce qu’il se passe, il se tient désormais dans la pièce où il a passé la test pour obtenir sa certification de troisième niveau – dans la pièce où on lui a annoncé qu’il resterait niveau deux, jusqu’à nouvel ordre. La scène ne dure que quelques secondes, de longues secondes où il est comme paralysé, incapable de bouger, mais le sujet de ces quelques secondes était évident. Il réussit à faire quelques pas en arrière. Il a l’impression que son visage est en feu, de honte et d’agacement. S’il y a bien une chose qu’il n’a pas envie de révéler à n’importe qui, c’est bien son échec le plus cuisant de ces dernières années. « … Effectivement, je comprends que ça soit fatiguant. » Laisse-t-il échapper, essayant d’avoir l’air moins troublé qu’il ne l’était réellement, et essayant surtout de ne pas se retrancher derrière ses défenses naturelles faites de sarcasme. « J’aurais besoin de renseignements avant de m’y mettre. Quel était le sortilège que tu as essayé de lui jeter, précisément ? Étape par étape. » Ajoute-t-il, reprenant un ton professionnel. « Et ça risque de me prendre du temps. C’est de la magie de précision, aller trop vite pourrait empirer les choses. »
 

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