Some things never change - Nora

Il n’est pas de ceux qui oublient, Dashiell. Il se souvient de ces détails que certains considèrent mondains, de choses qu’un esprit commun délaisse avec aise. Il se souvient de ses affaires, de rendez-vous posés, même sans fondement, de la couleur qu’il a porté le jour passé afin de de pas la répéter. Alors oui, il n’oublie rien, Dashiell, mais certains se retrouvent à le penser. Pourquoi ? Parce que s’il n’oublie rien, il n’hésite pas à prioriser ce qu’on attend de lui. Certaines choses ne sont pas aussi importantes que d’autres, et le Soleil n’hésite pas à l’expliquer au monde. Les évènements des mois passés continuent de peser sur son cœur et il est difficile pour lui de le cacher. L’amour de Zélie lui manque plus qu’il n’ose l’avouer et même l’étreinte de Cain ne suffit pas à remplir le vide qui l’habite. Alors oui, son esprit a été préoccupé. Jour après jour, il se doit de maintenir cette droiture qui est la sienne au sein d’un tribunal qui attend tellement de lui. Svetlana s’est montrée froide, et cela ne l’a pas surpris. Le secret qu’il a partagé, elle a été l’une des premières à l’apprendre. Quant à l’Été, la Lumière l’a toujours considérée comme un obstacle sur la quête de pouvoir de Dashiell, alors son support s’est montré presque inexistant. Quant aux Étoiles… oh, si elle savait, le Jour ne sait pas ce qui l’attendrait, sauf une peur qu’il ne pourrait dissimuler. Ainsi, cet Hiver qu’il apprécie pourtant tellement a été ignorée.

Oh well…

Mieux vaut tard que jamais, s’est-il pris à penser. C’est surement cela qui fait qu’il a quitté la dorure qu’il aime tellement pour cet hôtel qui, il ne s’en cache pas, est bien loin de ce qu’il désire. Pas assez d’or, pas assez de marbre, pas assez de… grandeur. Il semble mal placé, Dashiell, droit dans un costume qui hurle son opulence. Dans sa main se trouve un bouquet de fleurs dont aucune n’est couverte d’or, une insulte joueuse dont il n’aurait pu se passer. Une vermine traverse le hall et il l’appelle d’un claquement de doigts. « Inform Miss Chiastraelli of my arrival. » L’homme le fixe un moment, son esprit simple confus par l’ordre pourtant clair. « Is there the need to repeat myself? » demande-t-il, un sourcil levé. Il répète, plus lentement cette fois, appuyant chacun de ses mots. « Inform Miss Chiastraelli of my arrival. » Enfin, l’humain disparait dans une pièce adjacente, laissant le Jour seul un moment. Son regard se porte sur son entourage, incapable de retenir de légères grimaces face aux choix de design qui l’entourent. De longues minutes plus tard, la silhouette hivernale qu’il connait par cœur se dessine dans un coin de la pièce. Il lui offre un sourire poli. « Ah, Nora, alive and well, I see. » Il lui tend le bouquet de fleurs, son geste forçant quelques pétales à flotter jusqu’au sol. Peut-être sont-elles déjà mortes, après tout ? « What a shame to see your brush with death did not allow you to reconsider these design choices… » Ses épaules se levent dans un mouvement désabusé. « Regardless, I thought we could perhaps share some tales over drinks, or whatever it is one does before speaking of vital things. »

Epuisée.
C'est la seule chose qui lui traversa l'esprit lorsqu'elle se réveilla brusquement sur le fauteuil où elle se trouvait actuellement. Même pas dans son lit, même pas dans sa propre maison, mais sur la première surface confortable qu'elle avait pût croiser en sortant de la salle de réunion, tant la fatigue lui ruinait les jambes ainsi que le reste de son système nerveux. Il était de ces moments où pelle mêle, dîners populaires, défilés privés et préparations des grands évènements se mêlaient dans un marasme éreintait. Personne ici ne semblait vraiment saisir ce que le terme demi-mesure pouvait bien signifier. Il régnait en ces temps troublés une règle tacitement admise, un prêche universel et clinquant de son orgueil parvenue qui pourtant ne rencontrait nul contrariété: rien d'important ne s'était passé. Toutes les absurdités, toutes les folies étaient permises pour peut que vous parveniez à faire croire que le règne sorcier, plus qu'une passade, devenait une universalité. Le temps filait à ciel ouvert et il fallait courir encore plus vite pour espérer le transcender. Mais tout comme Alenxandre Le Grand avant elle, madame s'était surestimé. Et l'orgueil, ce maudit artifice, cette horrible parure de nouveau riche dont elle se drapait comme d'un manteau précieux, l'empêchait de lâcher prise. Même si elle devait en mourir. C'était une manière comme une autre de voler à travers la vie, d'être plus brillante que les autres, plus forte que toutes choses, de ces astres insolents qui vous piquent les yeux lorsque vous tenez de les fixer, mais que jamais, oh grand jamais, on ne désir lâcher. Cette fascination qu'elles exercent est propre à celle qui émane des grands hommes. Et être lumière la dédouanait de toute obligation de penser, d'être ou de ressentir. Nora. Elle devenait excès. Elle devenait liberté. Elle devenait un souffle grisée sur une joue enfiévrée.

▬ Mademoiselle, monsieur Shuren vous attend dans votre salon.

Un sursaut, et le fil de ses pensés lui échappe, troquant la vision singulière d'un humain bien particulier pour un homme qui avait briller par son absence et son silence. Et la vérité est sans doute que ce manque de considération l'avait touché, qu'elle se serait attendu à un peu plus que ça, tout en étant persuadé qu'il n'en serait jamais rien. Elle soupire. Encore. Un son de gorge à mi chemin entre cynisme et lassitude. Dashiell, il apparaissait toujours aux pires moment, lorsqu'elle aurait préférée être épargné de sa présence. Mais la vie n'était, après tout, qu'une farce de chaque instant, qu'on la prenne à temps ou à contre temps. Elle se redresse, avant de s'avancer dans la pièce attenante pour accueillir le trouble fête, le regard posé sur les fleurs défraîchies dont il avait souhaité la gratifier.

▬ Dashiell.

Les affaires, encore et toujours les affaires. Un geste du poignet, et le sorcier s'en retrouve déchargé, un autre et son salon privé est promptement déserté. Il y a quelque chose d'agréable à être obéit d'un simple geste ou d'un regard, une attention bienvenue à laquelle elle s'abandonne sans honte en se laissant glisser dans sa méridienne, les jambes croisés, l'attitude vaguement ennuyé de celle qu'on savait contrarié et qui ne faisait aucun effort pour le cacher.

▬ Sois bref, j'ai beaucoup à faire et ton manque de savoir vivre a un don pour me donner la migraine.

Il y a de ces individus que l’on perd de vue un moment, que le monde éloigne avec aise. Ce sont de ces choses qui se produisent sans que personne ne puisse les empêcher. Le cycle de la vie se doit de continuer, d’avancer, de tourner. Dans le cas de Dashiell, la vie l’a éloigné de la Glace, l’a forcé à se noyer dans de sombres pensées qui l’ont étouffé. Surement aurait-il dû s’assurer de l’état de la Chiastraelli suivant les évènements de la fin d’année, mais la réalité en est tout autre. Lui et son égoïsme délicat s’est contenté de se tourner vers Ezekiel, vers, Zélie, vers Cain. Effort souvent vain d’obtenir un semblant de ce rêve qu’il désire tant. Y est-il parvenu ? Non. Et oui. Peut-être. Peut-être a-t-il retrouvé un semblant de saineté, un doux moment qui lui a permis de retrouver le monde qui l’entoure, qui lui a rappelé ces choses qui importent tant. Oh, ce n’est pas la compagnie de l’Hiver qu’il est venu chercher, loin de là. C’est qu’il la sait fille influente, qu’il sait que sa connaissance et son venin sont, a ses coté, des armes sans pareille. Strictly business, voilà ce a quoi il a pensé tout d’abord. Et pourtant. Pourtant, alors qu’elle l’observe de ce regard froid et fatigué qu’elle lui réserve avec douceur, c’est presque s’il se sent calme, le Jour. Le voilà qui semble se souvenir que malgré leurs différences, il ne peut s’empêcher de trouver, au sein de la présence même de Nora, ce sentiment délicat qu’elle est la seule à lui offrir.

« Sois bref, j'ai beaucoup à faire et ton manque de savoir-vivre a un don pour me donner la migraine. » Ses lèvres s’entrouvrent, il inspire, prêt à répondre, mais se retient, se contente d’un sourire amusé. Il n’est pas certain de ce a quoi il s’attendait, mais le voilà de retour dans ce jeu malicieux qu’il n’est pas parvenu a trouvé chez aucun de ses connaissances les semaines passées. Début, vêtu de sa droiture précise, couvert de tissus qui, presque, semble s’emparer de chaque rayon de lumière afin de les faire briller en retour, il laisse sa main droite prendre place dans la poche de son pantalon. « Will you not offer me a beverage of some sort? I thought you prided yourself on being quite the host. » Sa main libre trouve un paquet de cigarettes dorées, en sort une qu’il porte à ses lèvres. « May I? » Indélicat ou non, il y a de ses choses qu’il respecte sans réellement les comprendre. Alors il attend une réponse qui le laissera y apposer une flamme délicate ou forcer l’or à retrouver son paquet. « Casual discussion is not welcomed it seemed, so I shall go to the point. » Ses jambes continuent d’être tendues, plus à l’aise debout qu’il ne l’est assis – surtout pas sur une des ces quelconques horreurs qui recouvrent la pièce. « It has come to my attention you are doing quite well for yourself, Nora, and what friend would I be if I did not come to enquire about your affairs? » Il plante son regard dans les noisettes glaciales. « And as I friend I thought it best to advise you that – as I am sure you are aware – your climb is bringing a certain attention. » Ses sourcils s’élèvent, ses lèvres s’étirent dans une expression joueuse. « An attention which might question this… bond you seem to share with the vermin you continue to employ. »

A croire que toutes leurs rencontres se ponctuaient de ces vaines valses d'apparence.

▬ Je t'en prie, si tu veux boire quelque chose tu sais déjà où se trouve le bar.

Elle lui en voulait, ça cognait  dur à son oreille, contre la barrière de ses paupières. Ca grouillait entre ses côtes à chaque fois que son regard se posait sur lui et qu'elle songeait à tout ce qui n'avait pas été fait et qui aurait dû l'être. Dashiell avait brillé de son absence et de ses silences, subtile ignorance qui allumait le feu amer de ses prunelles.

Mais là, sous les yeux de Nora s'esquissaient de drôles de schémas. Il y avait des mots qu'il n'y avait pas lieu d'être et la cadence rythmé de discours trop souvent prononcés. C'est un léger voile d'acide jeté aux visages dès que la brue ouvre la bouche, et dès qu'il trouve quelque chose auxquels se raccrocher, ça s'agrippe. Ca ronge. Tout s'étiole au fur et à mesure de la conversation s'allonge et la patience s'effrite.

Ses cils s'abaissent légèrement, et le dos de sa main vient soutenir son menton. Evidemment, le jeune homme n'était en quête que d'un échange de bon procédé, le maintient désuet d'une position sociale qui pourrait être mise à mal, et Nora voudrait pouvoir se moquer fort, détruire déjà toutes les prétentions de la jeune femme  – mais ce serait si éphémère, si ridicule par rapport à ses opportunités, à tout ce que devait de subsister de l'empire qu'elle avait battit à la seule force de sa témérité. Alors, elle se tait, elle observe, elle détaille les murs invisibles, elle s'approche d'une faille qui sans doute, n'existe même pas encore. Agapé, sa plus cruelle et sa plus belle. Celui qui la faisait vaciller dans ce jeu des masques auquel elle se prêtait depuis tant d'années déjà... Les masques. Le terme est beau, certes, mais il n'est pas celui que la jeune femme feint de voir.


▬ Graciée de voir que tu te soucis au moins assez de mes affaires pour prendre la peine de faire le déplacement.

Sa langue claque, légère, un bruit sec qui parvient à peine à troubler l'encre de son regard. Il visait Agapé sans qu'elle soit certaine de ce qu'il pourrait y trouver. Il n'y avait eut aucun geste, aucune attention qui aurait pu la confondre - à peine quelques regards appuyés dans la discrétion de son bureau, à peine cette sincère inquiétude qu'elle avait entretenu pendant le désastre de la nouvelle année. Des corps qu'elle avait semé pour taire son secret.

▬ Sois plus précis si tu as quelque chose à reprocher à mon assistant Shuren.

Elle n'était pas dupe la belle, Dashiell la connaissait bien, trop bien. Il décelait dans les plis de son visage les rictus de l'amertume mais aussi les miettes des premiers émois. Elle ne doutait pas qu'il soupçonne son affection. Elle craignait tout en revanche qu'il ait été informé, d'une manière ou d'une autre de sa condition. Rien n'était plus dangereux qu'un secret dont on ignorait la portée. Rien n'était plus rebutant qu'un Day tenant un red thief sous sa coupe. Surtout lorsqu'il s'agissait de son porteur de gemme personnel.

« Je t'en prie, si tu veux boire quelque chose tu sais déjà où se trouve le bar. » La délicatesse de Nora, en voilà bien une de ces choses dont le Jour ne pourra jamais ne passer. Il y a quelque chose de fascinant dans les échanges de deux sorciers maitres des apparences qui décident que l’effort ne vaut pas la chandelle. Ils se comportent avec l’autre comme ils se comportent avec ceux qui ne méritent rien de plus qu’un claquement de doigts. Un jeu dans lequel ils se perdent avec aise, qui dessine un sourire sur le visage de Dashiell. Il ne se fait pas prier, s’empare d’un verre, remplaçant la nicotine par un alcool qui coule déjà le long de sa gorge. « Graciée de voir que tu te soucis au moins assez de mes affaires pour prendre la peine de faire le déplacement. » « It was crucial for me to ensure you had not come out of this affair disfigured – in which case I would never have let you join me in public ever again, » qu’il lance avec un air joueur avant de retrouver le vif de la conversation.

« Sois plus précis si tu as quelque chose à reprocher à mon assistant Shuren. »

Un sourcil solitaire s’élève. Ses bagues clinquent doucement contre le verre alors qu’il prend une nouvelle gorgée. Lentement, ses pas le rapprochent de l’Hiver jusqu’à la surpasser de toute sa hauteur. « Do not play ignorant, Chiastraelli, it does not suit your complexion. » Ce n’est pas son air menancant qu’il offre désormais, mais un air sérieux tout du moins, celui qui laisse bien voir que le temps n’est pas à le prendre pour un imbécile. « He cares for you, any idiot paying any attention to what occurred at the Golden Palace is aware of it. » Une douce brise se lève dans la pièce, le genre que l’on reconnait à peine, dont Dashiell lui-même est rarement conscient d’en être à l’origine. « A devoted slave is difficult to come by and a true asset to anyone, I cannot fault you there. » Il sait parfaitement que l’utilisation du mot esclave ne plait pas, mais c’est bien pour cette raison qu’il l’utilise. Parce que c’est ainsi que les grands de Jour et de l’Hiver le verront. « Though devotion and affection are terribly different Nora. » Sa voix est posée, loin du jeu, loin de l’insulte cachée, il n’en reste qu’une réalité aux touches délicates. « People talk. Others listen. I could not care less what you do with your… assistant. » La légère grimace qui traverse son visage semble en dire autrement. Mais il n’empêche que s’il ne supporte pas l’idée, s’il sait que la Glace ne devrait pas s’abaisser ainsi, il ne peut que lui offrir une aide cachée. « You have great plans, Nora, and I have always offered myself as a friend and a colleague in your quest to achieve them. » Il s’accroupit devant elle un moment. Le geste n’est pas condescendant, il n’est que celui d’un ami qui se défait de son masque un instant. « Tread carefully. His life is worthless and those you try to impress will ensure you do not forget it. » Un avertissement. « Take of this what you will. » Et le voilà qui se redresse, qui retrouve sa place au centre de la salle, sous une lumière qui danse sur le doux tissu de ses vêtements.

Dashiell lui ressemblai sans doute plus que mademoiselle aurait voulu l'admettre - ils avaient été  forgés dans le même alliage, élevé à la coupe des mêmes préceptes, leurs lèvres n'étaient que de délicat pétales ciselés dans les chaires les plus tendres, tendre destinée qu'était la leur d'y cueillir les nectars les plus précieux, d'en gouter les mets les plus tendres. Enfant de pouvoir, monarque dépourvu de couronne dévoré par la gangrène de leur ambition, nécrosé par l'avidité de leur arrogance - ils étaient une croix et une bannière estampillé sous leur seul nom, rehausser par le feu de leur égoïste obsession. Il n'y avait que sous les rayons égocentriques du soleil que la neige se parait de ses plus beaux attraits, rivière de diamant égrené le long de son manteau blanc. Alors oui, il y avait un peu de Dashiell dans sa chaire, une marque indélébile qu'aurai pu égaré une sœur ou un frère, quelque chose de bancal et de tordu, quelque chose qui ne parvenait pas à se plier à sa propre logique mais parvenait malgré tout à subsister - une sorte de loyauté et d'affection qu'ils ne pouvaient exprimer de la même façon mais dont on ne pouvait nier l'existence.

Nora.
Elle en avait souvent douté, l'avait tout autant nier - comment croire tout ce qui se rapprochait autant de l'homme qui l'avait détruite? Lorsqu'il parlait, lorsqu'il se mouvait, lorsqu'il philosophait, Dashiell ressemblait à son père. Par un quelconque trompe l'œil de l'esprit, par une similarité de leur croisade et de leur étroitesse d'opinions. Elle en avait frémit d'indignation la rose, elle s'en était hérissé de toute sa hargne de tous ses crocs lorsque son manque de compassion lui avait éraflé la peau, lorsqu'avec innocence, il l'avait ramené à l'horreur de cette nuit passée avec son indélicate indifférence. Parce qu'elle était tronqué, quelque part en elle-même, parce qu'il y avait un bout d'elle-même qui ne guérirait jamais, une douleur en suspend qui nourrissait l'incendie encore brûlant de son ire, posait les fondations de sa vengeance. Alors oui, Dashiell, il avait été si proche de s'y confondre - à ces pères qui n'en étaient plus vraiment, qui avaient échoués quelque part entre leurs attentes et leurs espérances.  Mais - parce que oui, elle était forcé de l'admettre - tout ceci n'était que ça après tout, de simple ressemblance.

Dashiell l'aimait, d'un amour indélicat et égocentrique, un amour dont il ne remarquait sans doute pas l'existence - un amour qui  poussait aux actes les plus désintéressé, qui vous faisait abandonner une carte de choix pour avertir une amie des risques qu'elle prenait. L'attention la surprit assez pour qu'elle en reste un instant muette, un sourcil haussé dans une moue à mi chemin entre la simple incrédulité et la franche perplexité. Bien plus surprise qu'elle ne l'aurait avouée - qu'aurait-elle put attendre de celui qui n'avait pas prit la peine de la visiter lorsqu'elle avait été aliter? Qui ne s'était pas soucier de son état un seul instant. Mais qui n'hésitait pas un seul instant à accourir dans ses appartements pour l'avertir sur la transparence de son affection. De sa nouvelle tare.
Une énième aberration.

▬Je comprend ton inquiétude.

Assez pour que sa main s'égare un instant sur sa joue, sur ses cheveux, pour que le murmure quitte ses lèves dans une presque quiétude - il était loin le temps où elle se rétractait, les jours où elle niait. Agapé, elle était malade de lui. Asphyxié d'un amour presque pudique qui demeurait figé en simple bourgeons hivernale, une fleur mourante qui ne fleurirait jamais pleinement.

▬ - Mais ce secret n'aura aucun impact sur ma tâche parce que je n'ai rien fais qui puisse me compromettre. Et si d'aventure de vilaine rumeur devait s'ébruiter à mon sujet, j'en remonterai le fil pour en faire taire mes détracteurs. C'est ce que j'ai toujours fait après tout, non?

Et elle le laissait se redresser, déjà reprendre le rôle dans lequel il s'était fondu, à abandonner l'ami pour devenir le partenaire sans qu'elle ne cherche à le retenir. Cette chose là, cette affection qui mourrait quelque part au fond d'elle-même, elle voulait la garder pour elle. L'épargner à ces jugements et son mépris, ne pas s'alourdir de ses considérations de sorcier bien pensant.

▬J'ai déjà franchi le gouffre ce serait dommage de faire marche arrière maintenant, si proche du but qu'on peut déjà en voir le dessin.

Si proche de contempler sa chute et de savourer son désarroi de la pointe de sa pupille jusqu'au bout de ses cils.  

« Je comprends ton inquiétude. » Si quiconque d’autre s’était pris à prononcer ces mots, il en aurait presque rit, Dashiell. Mais il sait bien que Nora est de celles dont l’esprit court au moins aussi vite que le sien. Il sait bien que les demi-mots qu’il lui a offert suffisent, qu’à ses oreilles, ils auraient tout aussi bien pu être offerts dans un élan de larmes et d’affection. Tout comme il sait très bien qu’aucun d’eux n’oserait se laisser sombrer ainsi. « Mais ce secret n'aura aucun impact sur ma tâche parce que je n'ai rien fait qui puisse me compromettre. » Il sourit, le Soleil. Il sourit parce qu’il doit bien admettre que son point est bon. Mais il sourit également parce que voilà la différence entre les deux sorciers. Ils ont beau être calculateurs, les sorciers de l’Hivers, cela n’empêche qu’ils oublient parfois l’aise avec lequel le monde ment. Le Jour y excelle, possède des connaissances qu’il dissimule afin de mieux les faire exploser plus tard. Alors peu importe si Dashiell n’a rien fait pour se compromettre, il s’assurerait d’écraser les bourgeons avant même que ceux-ci n’osent s’ouvrir. « Et si d'aventure de vilaine rumeur devait s'ébruiter à mon sujet, j'en remonterai le fil pour en faire taire mes détracteurs. » Et voilà qu’ils sont redevenus un, sorciers à la violence facile. « C'est ce que j'ai toujours fait après tout, non ? » « And it is what we shall continue to do, » qu’il dit doucement alors que ses jambes le relèvent.

« J'ai déjà franchi le gouffre ce serait dommage de faire marche arrière maintenant, si proche du but qu'on peut déjà en voir le dessin. » Il se contente de réfléchir à cette idée en silence. Il connait bien le désir de la Glace. Il le connait tout comme elle sait qu’il serait prêt à tout pour l’aider. Mais il sait également que l’attention qui s’écrasera sur eux sera des plus dangereuses. « I would never tell you to give up on your goal, Nora, you know this. » D’un geste calme, il finit le liquide qu’il tient en main, laissant ses bagues chanter doucement alors qu’elles trouvent le verre. « One should only be prudent during such a quest. I am only able to save you should your actions land you in prison. And we both know this is not what awaits you should you fail. » Ses pas l’emportent dans la direction d’une table sur laquelle il dépose le réceptacle vide. « For once in your life, do learn from the Day. It is not about who knows of your secret. It is how much attention you bring to it. »

Il en connait, Dashiell, de ces moyens de se débarrasser de regard curieux. Il s’agit surement de la seule chose qu’il a reconnu comme qualité chez ce paternel incapable. Lui-même se doit de s’en rappeler, de ne pas oublier ces mots qui lui ont permis de vivre avec aise jusqu’à présent. Ce n’est que lorsqu’il a poussé Zélie vers Ezekiel que cette dernière l’a trouvé. Il aurait dû se taire, l’ignorer comme il l’a si souvent fait. Mais il est sanguin, le Soleil, alors il a commis une erreur. Alors il ne s’y prendra pas à deux fois. Alors le monde ne trouvera jamais Caïn, ne les trouvera jamais eux, sorciers aux antipodes qui se doivent d’y rester.

Enfin, il rejoint Nora, prend place à ses côtés, laissant son dos glisser contre le dossier comme il ne le fait qu’avec certains. Son regard se perd sur le plafond au sein duquel il ne peut trouver cette beauté solaire qu’il désire tant. « I am not saying you should abandon him altogether. Keep him away for a short time. Take another with you once in a while. » Sa tête se tourne lentement, trouvant le regard de l’Hiver. « Do not let this… affection – il est clair que le mot lui fait presque mal – get in the way of your future. »