[Flashback] The sky's falling { Zelliel

♛ The sky's falling

Some days, things just take way too much of my energy. I look up and the whole room's spinning. You take my cares away.

Ils sont partis. Ils sont partis et soudainement, Zélie a froid. Le réflexe de les retenir a été là, l’espace d’un instant. La douceur de Caïn, cette aura dans laquelle elle aurait voulu se perdre, cette présence qui est venue se mettre entre cette nouvelle vague de violence et elle, doucement, délicatement. Qu’elle a balayé pour les secouer. Pour ne pas simplement sombrer en enfouissant le visage dans le tissu des vêtements de l’enfant de la Nuit, laissant les deux adversaires s’affronter, comme elle l’a pourtant ardemment désiré. Et la force de Kai. Qui l’a remise sur pied, physiquement, brutalement, peut-être. Mais c’était ce dont elle avait besoin. Kai, dont l’odeur l’entoure encore, émanant de la veste bleu clair qu’elle porte toujours. Le jasmin, le cédrat et les embruns marins accompagnent chacune de ses respirations, seul mouvement qu’elle est encore capable de faire. Et pourtant, elle prend la peine de s’envelopper un peu plus dans ce vêtement qu’elle fait sien, au moins pour la soirée. Une constante, un rappel de ceux qui viennent de disparaître. Les choses se sont enchaînées rapidement et le poids physique lui a été enlevé, la preuve de son crime a disparu, emportée par les deux enfants de la Nuit. Rien, on ne lui a rien demandé de prendre en charge et c’est sans doute pour le mieux. Ils ont promis d’aider, de faire disparaître toute trace de cette nuit, et elle les croit. Elle les croit sans hésiter, sans sourciller. L’un a sa confiance depuis des années, silencieusement, sans que personne ne le sache. Quant à l’autre, il l’a gagnée, de ce simple regard quand elle s’est redressée et qu’elle a compris ce qu’il faisait, ce qu’il proposait. Alors oui, tout s’est enchaîné, mais tout s’est enchaîné pour le mieux, morceau après morceau, jusqu’à la laisser seule. Ou presque.

Car il reste pourtant cette vague d’horreur, cette nausée, et ce vide intersidéral qui s’est ouvert en elle. Les yeux rivés sur la porte, elle n’ose plus bouger, de peur de se briser en mille morceaux si elle ne respire ne serait-ce que trop fort. Et parce qu’elle est blessée. Seule, elle se sent seule alors que la moitié de son âme se trouve à côté d’elle. Une moitié qui n’a pas su prendre soin d’elle, qui l’a sciemment ignorée au moment où elle avait le plus besoin de lui. Qui est entrée dans une pièce dans laquelle elle se trouvait, visiblement en détresse, et qui n’a pas su voir, qui n’a pas su réagir correctement. Qui a préféré s’en prendre à celui qu’il hait depuis des années, plutôt que de prendre soin d’elle. Et les mots de Kai résonnent encore dans son crâne, menaçant de faire déborder les larmes qui sont au bord de ses paupières. Qu’il n’aidera pas. Pour l’instant, tout ce qu’a fait le sorcier du Jour, jusqu’à ce qu’elle n’intervienne pour lui dire de prendre la porte s’il ne pouvait pas se taire lui donne raison. Elle ne sait plus quoi faire, parce que son monde vient de basculer, de bien des façons. Car le son des borborygmes d’Andras semblent encore perceptibles. Comme renvoyés par les murs de la pièce. Le son de ses genoux heurtant le sol. Sur l’écran de son esprit, elle peut voir défiler les images, d’une précision effarante. Elle. A. ôté la vie. Sans la moindre hésitation. Sans en être consciente, certes, mais elle ne s’est pas arrêtée. Trop interdite ? Ou déterminée ? La pensée lui donne le tournis et elle pâlit encore plus violemment. Quel tableau elle offre ainsi. La princesse déchue, dont on a tenté de forcer la résistance. Sa robe en lambeaux témoigne de l’agression qu’elle a subi, son maquillage entièrement défait de son émotion, sa chevelure emmêlée de son trouble. Elle ne semble même plus trembler, figée qu’elle l’est dans l’horreur de la réalisation de tout ce qui s’est passé. Froid. Solitude. Horreur. Comment tout ceci a-t-il pu se passer ? Comment avancer ? Elle n’en a pas la moindre idée. Et, terrifiée, préfère rester immobile. De peur que la moindre variation ne fasse tout basculer, une fois de plus. Le temps qu’elle ne saura pas comment réagir. Et elle n’y parvient pas. Figée dans le temps et l’espace. La poupée semble soudainement statue.

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Rien. Il n’y a plus rien. Et ce vide la terrifie, la pétrifie, l’empêche de respirer. L’ouragan qui a sévi dans la pièce ne la fait même pas vaciller. Elle n’est plus là, perdue dans les méandres de l’abysse qui l’a engloutie. Il ne s’agit même pas d’une eau sombre au fond de laquelle elle se serait réfugiée, non. C’est l’absence de toute chose. Tout a disparu. Toute sensation, tout sentiment, tout souvenir. Et avec horreur, Zélie se demande si son âme s’est enfuie. Envolée, avec le corps dérobé. Réduite en morceaux, quand l’eau s’est transformée dans la gorge, dans les poumons d’Andras, la volant à l’air pour accomplir sa volonté funeste. La panique la gagne mais, tétanisée, elle ne peut que la laisser s’emparer d’elle complètement. Ses mains l’étreignent, diffusant une vague de froid sans précédent dans tout son corps, ravivant ses sens pour le pire. Comme le baiser de la mort, cette bourrasque glacée qui a emmenée l’enfant de l’Aube. Et les picotements gagnent, pénètrent son épiderme, se frayant un chemin jusqu’à son cœur. À ses poumons. Jusqu’à ce que … « Zee ? » Sa voix lui parvienne. De loin, comme étouffée, mais là. Là, pour la première fois depuis que tout a bascué. Un rayon lumineux frappant l’obscurité danse dans laquelle elle est plongée. Un frisson la parcourt, alors qu’il essaye de se frayer un chemin jusqu’à elle … enfin. « Zee, look at me. » Les mots s’infiltrent dans les ténèbres, jusqu’à sa conscience et ses paupières tressaillent jusqu’à s’ouvrir et à tomber dans celles de Dash. La gorge nouée, elle tente de déglutir alors qu’elle sent les tremblements sur le point de la reprendre. Sa bouche est sèche, ses organes se réveillent petit à petit. Elle va s’écrouler … mais ses mains sont sur elle, rapidement. « I am sorry, I should have been with you, I… »

« It’s...not your fault. » C’est tout ce qu’elle arrive à produire, dans un premier temps. Les fourmillements qui la parcourent menacent de la faire tomber de nouveau, mais elle tient bon, quelques secondes. Sa voix ne lui ressemble pas, tremble. Et ça n’a rien du couinement étouffé qu’elle peut produire lorsqu’elle est mal à l’aise. L’accent est étonnamment grave. Mais elle parle. Pour lui. Parce que la culpabilité n’a pas à être sienne. C’est elle. Elle par qui tout est arrivé. Elle qui n’a pas su voir, pas su anticiper. Ni réagir correctement. « It’s mine... » La véracité des mots lui fait mal. Et si elle les a déjà prononcés, un peu plus tôt, ils n’ont pas la même saveur. Elle cherchait alors à le faire taire, à le faire réagir, à lui faire prendre conscience des choses. Mais cette fois c’est elle que cela perturbe. Comme si le prononcer à haute voix rendait le tout encore plus réel. Encore plus insoutenable. Un nouveau son s’échappe de ses lèvres. Et si ses prunelles sont ancrées dans celles de Dashiell, elle ne le voit pas. Pas vraiment. Elle ne voit que les images de la soirée. Les nombreux regards de son compagnon de jeu. La façon dont il l’a effleurée, maintes fois, avant de venir finalement la trouver. L’éclat qu’avaient ses yeux. La chaleur de son corps, de ses lèvres. Cette vague déferle sur elle, menaçant de l’étouffer. Comme un réflexe, ses mains trouvent la chemise de son ami et s’y raccrochent. Nerveusement. Mais faiblement. Comme si elle était toujours là-bas, dans ce gouffre sans fond menaçant de la dévorer. Pas une pensée de fait sens alors que tout revient, par morceaux, tellement nets, tellement précis, tellement douloureux. Elle l’a suivi. Comme de nombreuses fois auparavant. Elle aurait du sentir que quelque chose n’allait pas. Elle le connaît depuis si longtemps. Le connaissait. Ses lèvres ne brillaient-elles pas un peu trop fort ? Avait-il pris quelque chose ? « He … he was ... » Elle n’y arrive pas. Repenser à Andras de son vivant lui arrache un hoquet. Le barrage se brise, libérant des torrents de larmes qui cascadent librement sur les joues soudain porcelaine de la demoiselle. Et son visage s’enfouit contre le torse de son ami. Il n’est plus question de lui en vouloir. Il n’est plus question de réclamer quoi que ce soit. Mais de survivre ou en tous cas, d’essayer. Parce qu’elle sait qu’elle ne pourra pas se raisonner, qu’elle ne pourra pas trouver un sens à tout ça. Pas d’excuses. Alors elle se raccroche, désespérément, à la constante de sa vie. À l’être lumineux qui la partage depuis des années. De toutes ses forces, soudainement, elle s’y accroche. Comme si on allait le lui enlever. Comme s’il allait partir. Lui aussi.

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Son odeur, si familière, se mêle à celle de Kai, imprégnée sur sa veste et le mélange des deux enveloppe Zélie en cet instant. Et même si c’est peu, elle ne se sent pas seule, accompagnée par cette dualité de présence qui, pour une fois, ne s’opposent pas. Le précipice qui l’appelle, qui la réclame de plus en plus ardamment, ne pourra pas l’engloutir parce qu’ils sont là. Et parce qu’il la tient contre lui. “Don’t be silly, of course it is not. ” Bien sûr que si, c’est de sa faute. Et celle de personne d’autre. C’est d’elle qu’est venu le coup fatal. Et tout ce qu’il pourra dire n’y changera rien. Et même s’il ne dit sans doute cela pour la rassurer, ça ne la dérange pas, l’espace d’un instant, qu’il lui mente. Même si elle n’y croit pas une seconde, n’ayant pas la forcer de se voiler la face, pas le cœur de voir les choses autrement. Il aurait fallu qu’elle décode les signes, qu’elle anticipe. Ce n’est pas la première fois qu’Andras essaye d’aller plus loin. Mais il a toujours compris le mot “non”. Et s’arrêtait, respectueusement, en la rabrouant un peu, comme d’autres avant lui. Toujours. Sauf cette fois. Cette fois… cette fois, il en a décidé autrement. Un sanglot coupe le flot de ses pensées, violent, douloureux. Il secoue sa poitrine, déjà serrée, ajoutant à la souffrance qu’est le simple fait de respirer. Pleurer ne sert à rien mais elle ne peut pas s’en empêcher. Et elle ne parvient pas à s’arrêter. “ Shh…He was not a man, but a monster, Zee. ” Ses traits lui reviennent, brutalement, si beaux d’ordinaires, déformés par la rage alors qu’il menaçait Marcus. Oui, en cet instant, il ne lui est pas apparu comme un homme. Une bête, incontrôlable, qu’elle a du stopper. Et même si ses lèvres tremblent, même si elle est au bord de l’implosion, il y a une chose qui ne fait aucun doute pour elle. “ He deserves what happened to him. ” Ses mains se resserrent enfin sur la chemise de Dashiell, réellement, alors qu’elle lutte contre le besoin de crier. Ses lèvres se plaquent contre le tissu. Non. Justement, non. Personne ne mérite ça. Mais ces mots trouvent un écho si juste, si parfait qu’elle voudrait pouvoir l’écouter. Le croire. Bien sûr, il ne tiendrait sans doute pas ce discours s’il savait pourquoi elle l’a réellement fait, pour qui elle a en réalité pris une vie …

Son étreinte se desserre et elle n’a pas la force de le retenir. Ses yeux trouvent les siens, soudain brillants, reflets de sa propre douleur. Et cela lui serre encore plus le cœur, si possible. Car il n’y a pas grand-chose de pire pour elle que de voir le Jour attristé. Surtout si elle en est la cause. “ It is over now, and I will never let anything happen to you, I promise. I swear it, Zee. ” “ Y...you still love me? ” La question peut sembler stupide. Déplacée. Mais il n’y a plus aucune certitude dans l’esprit de la jeune sorcière. Plus rien. Et il y a des choses qui doivent être posées, rapidement. Et même si ses paroles semblent indiquer que c’est toujours le cas, elle a besoin que ce soit dit. De s’en assurer. Parce qu’elle ne sait plus comment continuer. Et s’il n’est plus avec elle, plus réellement … elle sait qu’elle en sera incapable. Et elle ne l’en blâmera même pas. Parce que leur pacte concernait la douce Zélie, la princesse, la danseuse, mais pas la meurtrière. Pas ça, il n’en a jamais été question. Et il faut qu’il en soit conscient, qu’il ait les cartes en main. Même si le perdre l’achèverait, elle ne peut pas juste accepter un mensonge, ou de la pitié, ou … ou quoi que ce soit qui ne soit pas entièrement sincère. Pensé. Ressenti. Elle ne se sent plus capable de s’aimer elle-meme. Alors comment le pourrait-il ? “ I’m...I’m the monster, Dee, I…” Les mots lui échappent, se brouillent, comme ses pensées, comme la pièce autour d’elle, autour d’eux. Elle en oublierait où ils se trouvent, comment il en sont arrivés là. Et pourtant elle essaye, elle tente de verbaliser parce qu’elle n’est pas seule. Parce qu’il est là, pour l’instant. Parce qu’elle veut qu’il reste, qu’il soit là pour elle, même si elle ne le mérite pas, même si elle ne le mérite plus. Il faut qu’il comprenne, à quel point elle se sent coupable, à quel point ce qu’elle a fait est répréhensible et qu’elle en est parfaitement consciente. “ I should have...found...another way. That’s not…” Les larmes cascadent librement sur ses joues alors que ses lèvres s’agitent, cherchant de l’air, cherchant à exprimer ce qu’elle ressent. Sans y parvenir réellement. Ce qui ne l’empêche pas d’essayer, encore et encore. “ W...what does that make me? ” Entre autres questions qui se bousculent, de son esprit à sa langue. La poupée, plus pâle que la mort, tente, d’expliquer. De s’exprimer. Sans y parvenir totalement. Correctement. Sans y parvenir. Du tout.

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Les secondes semblent des heures, soudainement. Et la larme ne l’aide pas à se calmer, à avancer, à savoir si c’est un non ou un oui. Tout ce qu’elle sait, c’est qu’elle ne survivra pas s’il la rejette. Même si elle l’aura mérité, même si elle ne pourra pas lui en vouloir, de briser leur promesse, au regard de ce qu’elle a fait, elle sera incapable de vivre sans lui. Si le Soleil de sa vie ne brille plus, elle s’éteindra. « Of course I do… » Un sanglot déchire l’air, aussi douloureux que l’inspiration qu’elle vient de prendre, résonnant dans sa poitrine. « Zélie, I will always love you, you know that. » Le soulagement qui déferle la fait trembler de nouveau et elle bouge, faiblement, entre les bras de Dashiell. « I made you a promise, did I not? I love you, Zélie. I love you to the sun and back. » Le baiser, déposé sur son front comme une offrande, une preuve de son amour dédiée à son corps et à son âme, laisse une marque chaude sur son passage, faisant frémir la peau, mais aussi son être tout entier, frigorifié, se tendant vers cette sensation rassurante. Alors non, ses plaies ne sont pas guéries. Mais elle n’est réellement plus seule, dans les ténèbres. Il est là, finalement arrivé, finalement conscient et il ne partira pas. Ne l’ignorera pas, ne l’ignorera plus et ne la laissera pas. Et, lentement, la chaleur se diffuse dans tout son corps, alors qu’il nie ses mots, alors qu’il l’interrompt et qu’elle se blottit contre lui, dans l’espoir que ses failles se referment, à son contact. Et chacune de ses phrases, chacun de ses doutes, il les pare, l’un après l’autre, avec douceur mais fermeté. Lui trouve des excuses. Ou en tous cas, des explications à son propre comportement. « It makes you mortal. » Bien sûr qu’elle l’est. Même si l’adoration est une chose qu’elle recherche, elle sait pertinemment qu’elle n’est rien de plus qu’une autre, sorcière avec ses défauts, mortelle, oui, dont la chair peut être meurtrie. Mais ça … l’erreur est humaine. Le meurtre aussi. Mais elle n’aurait jamais pensé en être capable. Même si … « You acted in self-defense, Zee. »

Ses mains se crispent sur la chemise de son âme-sœur. Ce n’est justement pas le cas. C’est ce qu’elle lui a raconté, bien sûr, parce qu’il n’aurait jamais cautionné qu’elle ait tué pour un humain. Et pourtant … pourtant, une voix au fond de son crâne lui murmure qu’elle aurait encore plus souffert de le faire pour elle-même. Et qu’elle ne l’aurait, d’ailleurs, sans doute jamais fait pour elle. Mais lui … Andras l’aurait tué. La certitude lui faire perdre le souffle, alors que son esprit déroule le fil de la scène. Il l’aurait tué. Et ensuite … il aurait fait ce qu’il voulait d’elle. L’aurait-il tuée, elle aussi ? Peut-être … Il n’y a aucun moyen de le savoir et la jeune femme lutte contre toutes ces idées, qui n’ont pas à peupler son esprit. Ce n’est pas ce qui s’est passé, et elle a écrit la fin de cette histoire. Son corps parfaitement blotti contre le sien, elle ne peut qu’acquiescer quand il dénonce les faits. Evidemment. Evidemment, que cela n’a rien de justifiable. De juste. Jamais elle n’a donné de faux espoirs à qui que ce soit. Et quand bien même … rien n’excuse ce qu’il a tenté de faire. Ce qu’il aurait fait, s’il n’en avait pas été empêché. Et … « Zélie, this changes nothing. You remain yourself. Your sweet, perfect self. » Ses yeux retrouvent les siens, baignés de larmes, alors qu’il essuie patiemment, une à une, les perles qui roulent sur ses joues. Il y a tant de choses qu’elle voudrait lui dire, tant de choses à exprimer … mais il n’y a qu’une chose qui vienne. Parce qu’elle n’est pas d’accord avec lui. Mais elle veut bien essayer de le croire, l’espace d’un instant. Parce quand il la regarde de la sorte, comme s’il était prêt à défier le monde entier pour qu’elle sourie, il n’y a plus que ça, qui compte. Réussir à sourire, pour qu’il arrête de se donner autant de mal. Et même si cette fois, ce ne sera pas si facile, elle veut bien essayer, au moins un instant. I love you Dee. So… so much …

Et c’est son nez qu’elle embrasse, en se hissant sur la pointe des pieds. Un geste qui lui coûte, se rattrapant à l’épaule du jeune homme pour ne pas tomber. Son escarpin a manqué de glisser … dans une flaque d’eau, qu’elle identifie sans mal. Manquant de s’effondrer de nouveau, elle a cependant la présence d’esprit de vaporiser l’élément qui obéit à son appel, effaçant toute trace de ce qui a coûté la vie à cet enfant de la Dawn Court. L’espace lui semble un peu moins oppressant, mais il lui tarde tout de même de quitter les lieux. « We need to go. »La pièce est proche des festivités et même si l’endroit est pour l’instant verrouillé, ils ne sont pas à l’abri que quelqu’un tente d’y pénétrer. Et elle ne veut plus voir cet espace. Non qu’elle pense que cela l’aidera à oublier, mais elle a besoin d’air. D’eau. D’une douche. Se sentant immensément sale. Il n’y a qu’un seul problème. Ou plutôt, plusieurs. « I…will need to fix myself. » Ses cheveux emmêlés, son maquillage ruiné et surtout … sa robe. Qui est la première sur sa liste. Ses doigts tremblants lâchent Dashiell pour venir s’emparer du pan de tulle, qu’elle glisse comme elle peut dans le corsage. Les pans de la chemise se referment sur sa fine taille, et elle la boutonne, dissimulant ses vêtements déchirés. Ses mains remontent ses cheveux, tentent de les faire tenir en hauteur à l’aide d’une épingle qui a glissé … et qui lui échappe. Se mordant la lèvre pour ne pas se mettre à pleurer de nouveau, elle se penche pour la ramasser et la tendre au Shuren. « Can you help … please ? » Mais pas seulement. Il y a autre chose, dont elle a besoin. Baissant les yeux, elle murmure : « … and … stay over tonight ? » Sachant pertinemment qu’elle ne supportera pas de se retrouver seule après ce qui s’est passé.

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« I have you, » Et rien ne pourra lui arriver tant qu’il sera à ses côtés. Ces quelques mots, sa présence, chaque geste d’une douceur infinie lui réchauffe l’âme. Et la lumière brillante qu’il place devant elle est facile à suivre, pour celle qui a l’impression de tout devoir réapprendre à faire. Pas à être avec lui. Il l’enveloppe de douceur, comme il sait si bien le faire, uniquement avec elle. Un privilège qui a une saveur absolument délicieuse et dont la familiarité la comble, momentanément. C’est le fil d’Ariane qu’il lui faut suivre pour se sortir de ce labyrinthe. « I will stay with you for as long as you wish. » Forever, brûle-t-elle de répondre, mais sans le faire. Ses yeux parlent pour elle, jusqu’à ce qu’il sorte de son champ de vision pour s’occuper de sa chevelure. Les gestes familiers la réconfortent, la calment lentement, son palpitant s’étant affolé à l’idée de sortir affronter le monde. Mais il est là. Il prend soin d’elle, de remettre la tenue au goût du jour. Et même si les altérations de la veste manquent de la faire gémir, l’odeur restant la même l’en empêche, s’en gorgeant une dernière fois, paupières fermées. « Shall we? » Il lui faut quelques instants encore, yeux clos, avant de le regarder de nouveau. Le temps de sentir ses traits, comme devant un miroir, pour dessiner ce sourire qu’elle sait si bien offrir aux autres, qu’elle y ait le cœur ou non. Mais cette fois, il a un goût amer, de faux, qui lui pèse, qui ne lui semble pas sonner juste. Et peut-être ses inquiétudes se lisent-elles dans son regard car il prend les choses en main, une fois de plus. En plus d’entrelacer ses doigts aux siens. Ce qui suffit déjà à lui donner un peu plus de courage. « Let me do the talking. Ready? » Le baiser manque de la faire vaciller. Mais elle tient, debout. La reine qu’elle se doit être à ses côtés. Ses doigts perdus dans les siens, s’y accrochant comme à la vie, elle le suit, après lui avoir donné son approbation d’un hochement de tête, peu sûre de ne pas s’effondrer si elle devait prononcer le moindre mot.

Le bruit l’assaille, ainsi que les couleurs, moins vives étant donné l’heure avancée. Mais c’est déjà trop pour Zélie qui doit retenir un mouvement de recul. Dans son sillage, elle tient bon, quelques minutes, alors qu’il détourne l’attention avec une maestria forçant l’admiration, faisant oublier l’organisatrice sans le moindre mal, qui savoure le répit comme elle le peut. Mais le moindre regard lui semble soupçonneux, la moindre moue désapprobatrice et il lui faut énormément de contrôle pour ne pas s’enfuir à toutes jambes. Et quand finalement, ils s’éclipsent, c’est le soulagement qui gagne ses traits, douloureux à force de maîtrise. Tout lui semble flou, même sa propre demeure, dans laquelle il la guide sans le moindre mal. C’est dans la salle de bains qu’ils arrivent et que la réalité la rattrape. L’air chaud lui caresse la peau mais la fait frissonner, alors qu’il demande : « May I? » Et elle ne peut le retenir, ce mouvement de recul alors que ses doigts voguent vers ses vêtements. Se mordant la lèvre alors que les larmes montent de nouveau, elle murmure : « S…sorry… » Son intention n’est pas de le blesser, loin de là. Mais son être hurle à l’idée de mains la touchant. Ce sont les siennes, se force-t-elle à penser, à imprimer, chassant les images qui se frayent un chemin jusqu’à son esprit. C’est lui. Quelques secondes de plus sont nécessaires pour que l’assentiment vienne, d’un hochement de tête plus faible qu’elle ne l’aurait voulu. Et c’est yeux ouverts qu’est suivi l’effeuillage, si doux qu’il en est douloureux. Mais ce qui l’est plus, c’est découvrir le spectacle qu’elle offre dans les prunelles de celui qui compte plus que n’importe qui au monde pour elle. Les bleus, elle les devine sans les voir alors qu’ils sont mis à nus. Il y a des griffures, également, au niveau de ses cuisses. Elle n’a pas la force de baisser les yeux pour les examiner. « Zee… » Son toucher la fait se tendre, l’espace d’une seconde et cette fois, ses yeux se ferment, pour combattre une nausée qui menace de la renverser. Le pire a été évité. Pour elle, en tous cas. Mais la leçon a été brutale et particulièrement violente. Et cette impression d’être tachée, marquée lui donne envie de s’arracher la peau avec les ongles. Et comme s’il avait lu dans ses pensées … l’eau coule soudainement.

L’eau. Sa force vitale. Son élément. Sa complice funeste, de cette nuit. Qui l’appelle, en chantant. Et elle n’est pas la seule. « Here… » Entre dans son champ de vision Dashiell. Mis à nu, dans de nombreux sens. Dont elle s’empare de la main sans la moindre hésitation, pour venir immédiatement se blottir contre lui. Aucune gêne, aucune arrière pensée dans ce geste, besoin impérieux de sentir son cœur battre. De se gorger de sa chaleur. Parce qu’elle craque, Zélie. Complètement. Ses mains se raccrochent à ses épaules alors que les gouttes l’atteignent finalement, cascadant sur son visage qu’elle vient lover contre son épaule. Le lâcher prise est soudain, et enfin total. Alors elle pleure, sans pouvoir s’arrêter, dans les bras du Soleil. De peur, de celle qu’elle a ressentie quand elle a compris ce qu’Andras voulait et ce qu’il était prêt à faire pour l’obtenir. Celle qui l’a assaillie quand elle l’a vue menacer Marcus, qui venait de la sauver. Et celle qui l’étouffe, qu’on remonte jusqu’à elle, qu’elle soit jugée pour son crime. Et que tout bascule. De tristesse, devant cette vie perdue, dans les souvenirs de lui qui remontent, pour lui rappeler qu’il a été vivant, qu’il a été un homme pour lequel elle a eu de l’affection. De culpabilité, qui l’agresse à chaque moment, à chaque inspiration, brûlure douloureuse que laisse la réalité de ses actions. De mentir à celui qui la serre si fort, qui donnerait sa vie pour elle et à qui elle est incapable d’avouer la vérité. De honte, enfin, de ce qu’elle a fait, de ce qu’est son corps, de la saleté qu’elle sent sur elle, en elle, sans savoir si elle parviendra un jour à s’en défaire. Et les minutes s’égrainent, rythmée par les sanglots de la belle, vibrants, profonds, douloureux, perdant en intensité pour en redoubler l’instant suivant, avant, au bout d’un long, très long moment, de décroître progressivement, pour finalement se tarir. L’eau les a recouverts depuis longtemps, et cette enveloppe protectrice finit par la calmer, aussi certainement que la respiration du Shuren, sur laquelle elle finit par se caler. Et c’est un visage épuisé qui se tend vers le sien, les yeux débordant d’une reconnaissance et d’un amour infini, bien que teintés de fatigue. « Thanks…to be the man you are. » Celui en qui elle a confiance les yeux fermés, sur lequel elle pourra toujours compter. Cette moitié de son âme sans laquelle elle n’est rien. « I love you. To the sun and back. Deeper than any ocean. Always have. Always will. » Ses lèvres viennent effleurer le coin des siennes, avant de se reculer. Elle manque de perdre pied alors qu’elle sort de la douche, l’entraînant dans son sillage. Des serviettes sont rapidement trouvées. Et si elle n’en a pas réellement besoin, pouvant se sécher d’une pensée, leur contact doux la rassure et l’apaise. Son corps et son esprit ont besoin de repos. Enfin. Et c’est visiblement ensommeillée qu’elle finit par demander : « Do you want jammies ? » Non pas qu’il en ait besoin avec elle. Mais un réflexe d’hôtesse qui revient ne peut être qu’un bon signe.