{Renaleig} - Le bleu de tes joues

Je faisais en sorte que le Mermaid Bar soit un lieu d'accueil pour un maximum de personnes, un lieu qui se doit d'être accueillant pour ceux qui franchissent cette porte d'entrée même s'ils ne sont pas seulement humains. Ce n'est pas marqué sur leur front, s'ils sont humains ou sorciers à vrai dire. Cela se voit plutôt dans leurs vêtements, leurs tatouages, c'est un signe distinctif qui différencie les différents covens. Je le sais depuis le temps car il y a certains signes que vous ne verrez jamais ici, car il déteste pour la plupart les humains, les nuisibles que nous sommes. Tout le monde n'est pas tolérant comme je peux l'être par exemple. Je ne comprends pas pourquoi il y a cette guerre plus ou moins latente selon les personnes. Pourquoi est ce que nous ne pourrions pas tout vivre ensemble dans le meilleur des mondes ? Il faudrait revenir plus de deux cents ans en arrière pour comprendre cela. Il faudrait réussir à voyager dans le temps pour comprendre, pour faire en sorte de rétablie un équilibre qui a été brisé à ce moment là, pour peut être constaté que l'histoire que nous connaissons n'est qu'un tissue de mensonge. Je sais qu'il y a une pierre qui est capable d'agir de cette façon, je sais que ce n'est pas celle qui m'intéresse le plus mais elle pourrait être cool à posséder. Moi, c'est une autre pierre qui m'intéresse vraiment, parce qu'elle pourrait peut être guérir durablement mes parents. Mais est ce que c'est bien ? Est ce que c'est bien de vouloir l'utiliser à des fins personnelles ? Et si cela venait à être finalement quelques choses de plus mauvais qu'il n'y parait ? Et si ses pierres n'étaient pas une simple redistribution des cartes mais une malédiction pour chaque humain en possédant une ? Et si ce n'est pas un coven qui avait agit de la sorte pour piéger les humains et faire un génocide dans quelques temps ? Et si ses pierres étaient plus nocives que bonnes pour nous ? Oui, peut être que c'est un complot, peut être que cette théorie du complot est véritable, véridique, peut être que c'est la bonne, que c'est ce que l'avenir nous réserve. Il y a tant de questions qui restent sans réponse, mais ai-je envie d'avoir ses réponses ? Non, pas vraiment, car finalement, ma situation d'humaine n'est pas si mauvaise ici. Je suis loin de vivre à la belle étoile comme une bonne partie de la population de Staten Island. Alors, j'en souris, et je me replonge dans la salle qui est bien garnie une fois de plus ce soir. Et puis, il y a parfois des arrivées qui sont plus captivantes que d'autres. Il y a cette femme dont je ne connais pas encore le prénom mais qui vient de temps en temps. J'ai cru comprendre qu'elle en était rendue à vendre son corps pour survivre. J'hésite à lui proposer un peu de boulot ici, un boulot plus sain pour elle, pour qu'elle ne se souille pas de la sorte pour survivre, mais peut être qu'elle pensera que j'ai pitié d'elle et ce n'est pas quelques choses que je veux. Alors en attendant d'un jour peut être lui proposée, j'apprends petit à petit à la connaître, chaque fois un peu plus, une petite information, par ci par là. Pourtant, ce soir, elle m'inquiète, car son visage est tuméfié. Alors d'un geste de la main, je l'invite à se caler dans mon "bureau". Ce n'est pas un bureau, c'est la dernière chaise au bout de mon comptoir, là où se trouve régulièrement ma Rosaline mais ce soir, elle n'est pas là, alors si je peux aider cette belle jeune femme, je le ferais. Je ne veux pas la forcer à la confidence, mais au moins, à savoir qui a pu poser sa main sur elle pour lui faire une telle marque. Je lui souris, attendant qu'elle arrive à ma hauteur et que je lui offre un premier verre, comme pour briser la glace et engager véritablement la conversation.

Ici, tout le monde devrait se sentir chez lui, c'est ce que je m'efforce de leur faire comprendre, de leur faire sentir à vrai dire. Parfois, ça ne fonctionne pas, parfois les gens viennent, constatent et ne reviennent jamais. Pourtant, je vois souvent les mêmes visages, je vois souvent les gens revenir, et de nouvelles têtes arriver. Depuis combien de temps venait-elle ici ? Je ne saurais le dire exactement, mais très régulièrement, les jeudis soirs, elle venait ici, au Mermaid pour décompresser, pour boire un verre dans une tenue plus que légère. Elle ne semblait avoir jamais froid, comme si elle avait finalement un coeur de pierre qui n'était sensible à rien, même pas aux coups qu'elle pouvait se prendre pour que les hommes puissent s'épancher en elle, les femmes aussi peut être d'ailleurs. Je ne savais pas exactement si elle acceptait la gente féminine, peut être bien que oui, peut être bien que non. En tout cas, ce soir ne semblait pas déroger à la règle pour elle, fidèle au poste dans sa tenue affriolante, vulgaire même c'est le mot, laissant entrevoir ses formes généreuses, laissant presque voir toute son intimité si on s'en donnait la peine. Pourtant, ce n'était pas ce qui me dérangeait en cette soirée, non, c'était autres choses, c'était au delà du manque de respect qu'elle infligeait à son corps pour un peu d'argent. Elle avait fait ce choix là, celui de vendre son corps pour de l'argent, c'était un choix que je ne ferais jamais même si je venais à me retrouver ruinée. Je préférerais récurer des toilettes à la brosse à dents que de vendre mon corps pour de l'argent. Ce plaisir là, je le gardais pour elle, pour Rosaline, et pour personne d'autres, personne ne pourrait explorer mon intimité, personne. Je ne comptais pas louer ses services quoiqu'il arrive, pourtant ce soir, elle avait cette marque sur son visage, cette marque de coup, cette marque que je n'aimais pas voir sur le visage d'une aussi belle femme qu'elle. Celui avec qui elle avait couché ce soir, ou peut être hier vu la couleur du bleu n'aurait jamais du agir de la sorte, non. Il y a un minimum de respect à avoir même si on couche pour du sexe, un plaisir sans amour, un plaisir qui n'est sans doute pas souvent réciproque. Mais je n'étais pas assez intime avec elle pour savoir tout cela. Pourtant elle voit que je l'interpelle, que je la regarde peut être légèrement différemment de mes habitudes, mais elle ne vient pas dans mon "bureau", elle opte pour sa table habituelle, souvent libre quand elle vient ici, et me demande ce qui ne va pas ce soir. Néanmoins, il n'y a rien qui cloche, non. Alors je me rapproche, et je prends place en face d'elle. Je ne dis rien, et je montre ma joue droite, en faisant un petit rond pour lui faire comprendre qu'il y a quelques choses, juste là.

" Non, il n'y a rien qui cloche. Vous allez bien ce soir ? Je me rends compte que je n'ai jamais demandé votre prénom depuis le temps que vous venez ici. J'en suis fort désolée de ne le demander que maintenant d'ailleurs. "

Un petit sourire, un peu gênée, loin de mon assurance habituelle à vrai dire, mais c'est ce qu'il en est. J'aurais pu lui demander son prénom le premier soir, ou le deuxième, mais je ne l'avais pas fait et depuis, je repoussais toujours de lui poser la question, jusqu'à aujourd'hui. Vous me direz, qu'est ce que cela change ? Pas grand chose au fond, mais cela accentue la proximité qu'il peut y avoir entre elle et moi. Mais ce n'est pas pour rien que je me suis mise à lui parler, la première fois. En vérité, son visage me dit vaguement quelques choses, mais je n'ai jamais su la remettre dans le premier contexte où nous nous sommes croisés. Peut être qu'un jour j'y arriverais, peut être, je n'en suis pas même certaine, car peut être qu'elle se décidera à ne plus venir, peut être qu'elle sera morte sous les coups d'un homme trop gourmand, trop violent, que son corps sera retrouvé dans un fossé et qu'elle sera rangé au même rang que n'importe quel inconnu. Je ne l'espère pas pour elle, je n'espère cela pour personne quoiqu'il en soit.

Dans ce monde, tout n'est que faux semblant malheureusement, je le savais très bien, mais tout le monde ne le savait pas. Ici à Staten Island, l'île des humains, il y avait bien plus de non-humains qu'on ne pouvait le penser, soit par choix, soit pour bien d'autres choses d'ailleurs. Bien sûr, ce serait se voiler la face de dire que nous ne sommes pas épiés, parce que même ici c'est le cas. Même dans mon Mermaid Bar, il y avait des personnes que me voulait du mal. Non, pas spécialement à moi, mais à d'autres, à ceux qui possédaient une pierre par exemple. Ce n'était pas encore mon cas. Pour combien de temps ? Je n'en savais rien, je ne pourrais pas le dire, car j'avais envie de vivre une vie parfaitement authentique vis à vis de ce que j'étais. Alors prendre une pierre venue soit disant du ciel, tombée sur terre pour redistribuer les cartes, je ne le voulais pas pour le moment, car personne ne sait les répercussions que cela aura sur celui qui en détient une. Peut être que la nature de la pierre deviendra notre nature, et que donc, par extension nous ne serons plus vraiment des humains, mais pas vraiment des sorciers, comme une sorte d'hybride qui sera haït par les deux camps. Mais pour le moment, les red thieves sont plus humains que sorciers car finalement, ça ne fait pas si longtemps que ça qu'ils existent. En tout cas, dans mon Mermaid Bar, il y avait toujours tout un tas de sacrés personnages qui franchissaient la porte, et cette femme en faisait clairement partie. Elle était sublime, elle paraissait si forte habituellement, mais ce soir, il y avait ce détail qu'elle n'avait pas cherché à cacher, à moins qu'elle ne s'en soit pas rendu compte, mais ça m'étonnerait. Elle arborait ce bleu sur sa joue, il était assez récent, mais je ne m'y connaissais pas en médecine pour savoir s'il était de hier ou d'avant-hier, d'il y a quelques minutes, ou plusieurs heures. Pourtant, cela ne semblait rien lui faire même si elle n'avait pas envie de trop parler ce soir, apparemment, car elle avait pris sa table habituelle alors qu'elle avait très bien vu mon geste pour que nous puissions nous retrouver dans une autre intimité que celle-ci. Parce que oui, les gens savent que cette dernière place, celle du comptoir, lorsque je suis là, et qu'elle est occupée, signifie qu'il ne faut pas me déranger sauf sous un prétexte plus que bon, chose qui arrive rarement. Après, si vous êtes un ami et que je suis déjà avec un autre ami alors ses personnes là savent qu'elles peuvent se joindre à nous. Je me rendais donc compte que je ne connaissais pas le prénom de cette charmante créature. Et qu'en réalité, je ne saurais son vrai prénom, parce qu'il était évident qu'elle ne s'appelait pas Anja, c'était son pseudonyme, sans doute pour son métier, mais ça me convenait, je n'étais pas en position de faire la fine bouche quoiqu'il en soit. Anja semblait donc ne pas savoir d'où venait cette hématome sur sa joue, comme s'il était apparu là, comme par magie. Mais cela n'en était pas, du moins, je le suppose. Quelqu'un lui avait vraiment fait mal, ou alors durant son sommeil, elle s'était cogné avec sa table de nuit, pile au niveau de sa pommette. Cela semblait possible après tout mais ne s'en souviendrait-elle pas ? Sans doute, sauf si elle était trop endormi à ce moment là, ou qu'elle avait trop bu peut être. Elle ne venait pourtant pas ici plus d'une fois par semaine, alors je ne saurais dire d'où venait cette marque caractéristique d'un coup reçu. Le verre arrive alors qu'elle se rends compte que j'ai envie de plus que ça, de plus que de simplement savoir un pseudonyme par rapport à son travail à elle. C'est alors qu'elle me donne un conseil, un bien mauvais conseil que je n'appliquerais pas, mais qui pourrait faire l'objet d'un autre débat. Je ne suis pas du genre à me moquer des autres, à vouloir à tout pris leur montrer que je suis la plus belle, la plus forte. Je ne suis pas comme elle, je ne suis pas rongée par une certaine ambition, car c'est ce qui ressort de ce conseil, c'est ce qui transpire des pores de sa peau à ce moment-là. Qui est-elle vraiment ? Je n'en sais strictement rien, mais ce n'est pas un hasard si à sa première venue ici je me suis intéressée à elle, non. Elle ne le sait peut être pas, mais son visage reste une énigme pour moi, il me dit quelques choses, elle me rappelle un lointain souvenir d'adolescence. Mais je suis incapable de la remettre pleinement dans son contexte, comme si le temps avait fait en sorte d'effacer juste ce qu'il fallait pour que je ne puisse pas savoir qui elle est vraiment. Puis elle me demande finalement mon prénom, prénom qu'elle connait puisque je le lui ai déjà donné, mais qui visiblement ne l'a pas suffisamment marqué pour qu'elle s'en souvienne.

" Solveig, c'est ainsi que je m'appelle Anja. C'est en tout cas un bien beau prénom que vous avez là, vous êtes la première que je croise le possédant, vos parents avaient du goût. "

Une flatterie, voilà ce qui ressort de ma bouche à ce moment là, chose presque étonnante quand on sait que je suis une personne plus que sincère, mais dans un sens tout cela était vrai, même si Anja semblait être un prénom finalement plutôt ordinaire en fin de compte. Je disais à une serveuse de m'apporter un whisky, pour l'accompagner, comme pour lui faire comprendre que je pourrais rester là longtemps. Après tout, je suis ici chez moi, alors même si je ne veux pas être lourde, j'aime tisser une certaine amitié avec les clients qui deviennent réguliers, comme elle donc.

La toile commençait à se tisser autour d'Anja, celle que je tissais de mes propres mains car régulièrement depuis quelques temps, je la voyais dans mon bar, alors je me disais qu'il était bien venu de faire plus ample connaissance. Elle ne semblait pas en avoir plus envie que cela cependant, je le voyais bien, alors lorsque je l'aurais plus saoulé que toutes les boissons qu'elle aura pu boire, je m'en irais un peu plus loin la laissant en paix pour ainsi dire. Mais je ne partirais pas tant qu'elle n'aura pas daigner parler un peu. Et j'étais persuadée qu'elle se prêterait volontiers à ce petit jeu. En vérité, ce qui m'avait le plus attiré à elle, c'était cette impression de déjà-vu mais aussi c'était ce bleu sur son visage, je n'aimais pas voir ça sur le visage d'une aussi belle femme qu'elle, sur le visage de n'importe quelle femme d'ailleurs. Car s'il y a bien quelques choses de plus précieux au monde, c'est une femme, son visage plus que le reste, mais Anja ne semblait pas plus que cela s'en préoccuper, comme si au fond, elle avait l'habitude de recevoir ce traitement de la part de ses partenaires. Cela ne me plaisait pas, mais qui étais-je pour qu'elle lutte plus que de raisons contre ceci ? Personne, une illustre inconnue, alors je n'avais pas grand chose à perdre à lui dire cela, au pire, elle me prendra pour quelqu'un de trop curieux, et s'en ira même si je ne le désirais nullement. Pour moi, cela n'était que de la bonne volonté à son égard, parce que je n'aime pas voir les gens souffrir, que ce soit à cause de la maladie ou d'autres personnes. Mes parents étaient malades, et je faisais tout ce qui était en mon pouvoir pour les guérir, pour qu'en quelques sortes, ils reprennent véritablement vie, car ils étaient passés en mode survie depuis déjà trop longtemps. Anja en tout cas, semblait s'être habituée à venir ici, seule, sans quelqu'un qui vienne l'importuner, car son attitude, et sa réponse l'indiquait. Elle n'aimait pas me voir là, assise en face d'elle avec son whisky, comme s'il y avait quelques choses qui ne tournait pas rond, mais quoi ? Je ne saurais dire, je n'ai pas la capacité de lire dans les coeurs et dans les esprits même si parfois, ce serait évidemment bien pratique pour diriger les conversations dans la bonne direction. Mais de conversation devait-il y avoir avec celle qui me faisait face ? Je n'en avais pas l'impression, raison de plus pour tenter de mieux la comprendre. Pourquoi ne voulait-elle pas parler un peu, même de sujets bateaux qui n'engageait à rien ? Je ne saurais dire, mais finalement, elle me surprit en me posant une question fort légitime au sujet de ses lieux, et de ce que j'y faisais. Cela me fit sourire, finalement, elle n'était peut être pas si fermée que ça à la discussion après tout.

" Je tiens le bar de mes parents. J'ai longtemps était simple serveuse avant de prendre la direction des opérations, cela m'a permis de bien me glisser dans le paysage et d'appréhender au mieux la clientèle. Après, je fais en sorte que toute personne venant ici respecte les autres. C'est comme ça que ça marche, alors les gens finissent par le comprendre, ma place se trouve en haut de cette sorte de petite hiérarchie et si jamais ça ne suffit pas, j'ai un videur qui est là, discret pour mettre tout cela véritablement au clair. "

Il y avait Abel, mais il y en avait d'autres aussi, et puis, il y avait Noah qui était serveur qui pouvait user de ses poings si besoin. J'essayais de faire au mieux dans chaque situation, mais ce n'est pas si évident que ça, car parfois, les personnes trop imbibées d'alcool sont difficiles à gérer. Enfin, je n'avais pas trop à me plaindre, car les gens avaient bien compris que le Mermaid Bar était un lieu de respect pour chacun, que vous soyez simple humain ou sorcier.