in the dead of the night (jadwiga)

★ CHRONOLOGIE ★

2161 Comme un écho à la nuit foulée, les ténèbres emportent la chair pâle d'une mère souillée jusqu'aux cuisses par la naissance du nouveau-né. Des quelques cris jaillissants des lippes cramoisies de l'époux, elle ne retient que les traits inertes de l'endeuillé. Un berceau aux allures de tombeau, elle surgit des entrailles par le matricide. La solitude s'amorce alors.

2172 Illumination. Révélation. Dans le sinistre qu'est son quotidien, la lumière lui est apportée par les paroles du père. De ces mots qui déferlent se nourrit sa passion soudaine pour la cause. La rébellion devient sienne ; comme fascination éternelle alors que l'enfant se crève pour trouver l'amour paternel. En vain : elle n'aura que la révolution pour accompagner l'étroite obscurité.

2177 Dans le veuvage et l'isolation, le patriarche s'abandonne et se sème. D'aucun amour, la fille n'est qu'une déchirure ; une plaie béante qu'il panse de coups pour l'assassinat du jour maudit. La rupture s'abat telle une faux sur la carotide de la douce juvénile. L'exil du paternel poignarde son cœur frêle. S'écrase alors l'orage qui ne saurait retenir l'implosion à venir.

2183 Il incarne l'étincelle de l'incendie naissant. Il incarne le pouvoir et la grandeur d'antan. La renaissance d'une enfant brisée devenue femme méprisée. Homme suprême qui fait jaillir en elle quelques lueurs jadis éteintes. Des scintillements fruits d'un amour auquel elle ne croyait plus. L'union est craché en guise d'hommage au passé.

2186 Un joyau expulsé de ses tripes. Dans les ruines d'une cité désolée, le fils premier suinte la renaissance. C'est une lueur d'espoir que la naïve plonge dans le désarroi, dans l'attente et l'ignorance ; à l'image du patriarche d'autrefois et dont elle n'est que le triste reflet. La femme devient méprisable - mère médiocre et presque morte. Le cœur n'est dévoué qu'à la cause qu'elle admire et qui fait battre le palpitant.

2194 Amante maudite, le naufrage est entamée alors que s'extirpe de ses reins un énième rejeton. Chavirant dans la quête sempiternelle de pouvoir, la femme n'est plus que rébellion. Tentative de révolutionner le monde abrégée alors qu'elle échoue à nouveau. La faim est pourtant grandissante ; les yeux sont rougeâtres, l'œillade est féroce. La sauvage est dominée par les furies qui pullulent en elle.

2210 Les mires visent l'Olympe. Tel un fléau semant chaos et mort après son passage, l'ambition se déverse. Les têtes tombent autour d'elle ; des visages qu'elle côtoie et qui ne sont plus que cadavres. Il n'y a hélas aucune larme sur sa peau pâle, mais juste les cicatrices de batailles abrégées par d'infinies défaites. La faim grandissante est destinée à renverser l'échiquier, car la voilà seconde désormais.

2218 Dans la noirceur qu'est son refuge, la ténébreuse élabore l'impensable tandis que les cieux se déchaînent. Pour faire croître la cause, les portes de l'Enfer s'ouvrent et laissent apparaître les démons de sa rébellion. L'un de son sang : son précieux aîné qu'elle n'hésite guère à sacrifier. Protégée dans sa tour d'ivoire, tapie dans la pénombre des ruines, elle reste spectatrice du carnage à venir. La bataille lancée, le fils est mené à l'abattoir.

2219 Entourée par les décombres et la rage, la pathétique est aveuglée par l'amertume. Seconde animée par la vengeance, elle n'est plus que solitude qui demeure et s'étend en son sein. Quelques flammes demeurent, vacillantes dans l'obscurité.