trouble (abel)

trouble on my left, trouble on my right
i've been facing trouble almost all my life

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L'impatience de deux lèvres qui tirent sur une cigarette. Des yeux imbibés d'alcool. Y a sa main qui tremble, il tient pas en place. Quand la colère le prend au corps, il a toujours du mal à s'en remettre. Effet secondaire de l'apreté de ses souvenirs, des plaies cicatrisent sur ses poings. C'est la dernière fois qu'il sort de prison, promesse déjà brisée. Demain, il continuera de se brûler les ailes sans comprendre que, dans ce monde, on ne renaît pas de ses cendres. Et c'est là que la porte s'ouvre sur un visage familier. Abel. Un signe de la main pour signaler sa présence. « Dude, you’re late. » Un coup sur la table pour l'obliger à s'asseoir. Abel et Noah, c'est une longue histoire. Ils sauraient pas dire comment ils se sont trouvés, les versions de leur odyssée divergent toujours sur les points clé : l'un a sauvé l'autre, va savoir lequel, va savoir si c'est vrai. Ca va faire dix huit jours qu'ils se sont pas vus et, pour eux, dix-huit jour, c'est une éternité. Alors, quand ils se retrouvent, y a toujours un moment qui dure une mili-seconde pendant lequel ils se regardent. C'est bref, parce qu'ils se l'avoueront jamais qu'ils tueraient l'un pour l'autre. C'est bref, mais c'est suffisant pour remarquer tout ce que l'autre veut cacher. Et là, tout de suite, Abel, il est bizarre. Il a une esquisse de sourire au coin des lèvres et son regard est différent. C'est rare, de le voir comme ça. Rare, mais pas inédit. Il a pas besoin de lui dire quoi que ce soit pour savoir. Ils se connaissent par coeur, après tout et leurs secrets survivent jamais assez longtemps dans leurs gorges. Alors, Noah, peine à cacher son sourire. « Oh, I know this look. » Il tire sur sa clope. « Who’s the girl ? »

trouble

noah & abel ✗ delta

But I'll meet you at the delta where the rivers run into the sea. And I'll meet you at the delta. What's behind, I can clearly see, but that beyond, that's beyond me.

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La pierre qui tourne entre ses doigts. Le temps qui passe lui semble dérisoire aujourd’hui. Une vaste plaisanterie qu’il peut contrôler à sa guise. Le temps n’existe plus, pas pour lui. Sa main glisse sur la surface lisse, l’bruit rassurant de la jade qui caresse son blouson en cuir. Son pas lourd qui pénètre à l’intérieur du bar, étouffé par la chaleur, il ouvre sa veste. Le bruit de la musique mitraille ses tympans ; Abel a le cœur en miettes hanté par des fantômes qu’il n’a pas le droit de combattre. Visage marqué par des traits fatigués, il cherche Noah d’son regard glacial. Point d’ancrage rassurant dans un monde qui ne lui appartient pas vraiment. Un signe de la main et dans leurs yeux on peut entendre le bruit d’un millier de retrouvailles. Deux gamins perdus dans un orphelinat qui refusait d’admettre que leur existence pouvait avoir la moindre valeur. Mais pour Abel, l’existence même de Noah, c’était tout ce qu’il avait de plus cher. Peut-être même plus que la gemme qu’il manipulait dans la poche de son blouson. « Dude, you’re late. » Il lève les yeux au ciel quand Noah tape sur la table avant de s’assoir sur le tabouret en bois, et commande deux bières. Le regard perdu dans le vague, ses poumons s’engorgent d’air et pourtant ça semble presque impossible de respirer, parce que dans son esprit, y’a qu’elle, Emma qui prend toute la place dans ses pensées, Emma et ses sourires trop vrais pour lui. Emma qui a des larmes dans ses yeux parce qu’elle sait ce qu’il a fait. « Oh, I know this look. » Une gorgée de bière pour apaiser les fantômes de son propre sépulcre. « Who’s the girl ? » Un sourire en coin. « I’m never late. » Une nouvelle gorgée, un peu trop longue. « Same one. She came back. » Il soupire avant de tourner sa tête vers Noah. Ils n’avaient plus de promesses à se faire. Plus de serments à tenir. Ils s’étaient tout promis, y’a des années de ça. « I’m screwed. »

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« I’m never late. » La provocation murmurée dans un sourire lui arrache un silence et, ce qui est surprenant, ce n'est pas ses yeux levés au ciel, c'est qu'il s'abstient de rétorquer quoi que ce soit. D'habitude, Noah, il a toujours réponse à tout. Il se ferait l'avocat du diable pour avoir le dernier mot, la parole jusqu'à son dernier souffle. Oui, mais voilà, sa dernière incartade, il l'a payée cher. Un fauve en cage, les cent pas dans sa cellule, et sa dernière noyade, le combat pour un morceau de pain. Les joues creusées, les yeux cernés, il ne trouve rien à dire. Lorsqu'enfin ses lèvres se dessèrent, c'est pour la bière qu'Abel a commandé pour lui. Sa troisième de la soirée. « Same one. She came back. » I accompagne son hochement de tête d'un sourire insolent. Il aurait certainement dû le deviner à la mine raturée de son ami, qu'il s'agissait d'elle. Abel, il était tombé amoureux une fois, une seule, et il s'était juré de ne plus jamais recommencer. Noah, il lui avait dit et répété, que ça serait jamais aussi simple qu'il ne le croyait. « I’m screwed. » Ca lui faisait toujours bizarre de voir Abel rétamé par une fille. Ils étaient pas du genre sentimental. Du moins, c'est ce qu'ils se disaient. Ils avaient à peu près la même vision du monde et, ils savaient mieux que personne combien les choses étaient fragiles à leur époque. Mieux valait ne s'attacher à personne, c'était le meilleur conseil qu'ils auraient pu donner. Mais le plus difficile à suivre aussi. « That, you are. » La fumée de sa clope s'échappe de ses lèvres quand il lui répond en ricanant. Emma, il l'avait jamais aimée. Principalement parce que c'était une sorcière, et qu'elle valait pas mieux que les autres. Noah et ses envies de vengeances gravées dans la peau avaient toujours eu du mal à digérer leur relation. Emma, c'était leur sujet de dispute favori et il aurait aimé ne plus jamais en entendre parler. Les yeux braqués sur Abel, il emprisonne sa colère dans sa gorge mais, comme à son habitude, elle finit par lui échapper. « So you're seeing the witch again ? Interesting... »

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noah & abel ✗ delta

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« That, you are. » Un regard échangé entre deux amis qui se connaissent depuis bien trop longtemps pour pouvoir se mentir. Le débris des vagues de son rire qui retentit comme l’écho des vagues à Staten Island, leur bout de terre exilé du reste du monde. Là où New-York n’est plus rien qu’une ombre, le souvenir d’une incandescence incontrôlée et incontrôlable. La terre qu’ils ont grattés de leurs ongles pour trouver l’espoir d’un monde plus juste. Il l’a toujours su, Abel, que ce n’était qu’une illusion de plus, un simulacre bien pâle lorsqu’on lui fait affronter la pleine lumière. « So you're seeing the witch again ? Interesting... » Rage à peine maîtrisée, Noah s’étouffe dans la cendre de sa propre colère. Depuis toujours, Abel savait que le brasier ne s’éteindrait jamais vraiment. Que son ami aurait besoin de l’obscurité de la colère pour animer son âme d’une flamme qui ne pourrait s’éteindre. Il finit son verre d’une traite, avant d’en commander deux autres. « Calm down, for fuck’s sake. » Un sourire en coin avec des milliers de mensonges dans ses yeux. Il le provoque une dernière fois, l’étreinte des vielles habitudes est difficile à refuser. « You’re borderline obsessive these days. » Il prend une de ses cigarettes. L’effluve de ses regrets se répand dans la fumée grisâtre, et se colle contre les murs du mermaid bar, et comme trop de fois auparavant, il peut sentir le temps s’emparer de nouvelles précieuses secondes, rêvant de pouvoir l’arrêter à tout jamais. Rester coincé, assis au comptoir avec Noah, ça serait peut-être la meilleure chose qu’il pourrait lui arriver, après l’orphelinat, après les conneries sur Staten Island, après lui avoir montré sa pierre, à lui et à personne d’autre. La certitude qu’aucune promesse silencieuse ne serait trahie. Il hausse les épaules, Abel, et se demande qui des deux il essaie de convaincre. Une piètre explication pour le fait qu’il n’arrive plus à observer son propre reflet dans la glace. « I just saw her. Nothing happened. I’m the reason she’s in that damn place, remember ? She hates me. It won’t change. »

「 t r o u b l e 」

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« Calm down, for fuck’s sake. » D'une manière générale, demander à Noah de se calmer, c'était comme demander à un poisson de voler : totalement contre nature et inévitablement contre productif. Pour autant, et ce, depuis toujours, Abel était une des seules personnes qui pouvait espérer lui faire ce genre de remarque sans se prendre son poing dans la gueule. D'un naturel belliqueux, Noah n'était pas connu pour sa patience. Impulsif et insolent, il s'en remettait souvent à la violence, à défaut de trouver les justes mots. Ce qui était un défaut pour certain, il le défendait comme sa plus grande qualité. Son honnêteté se mesurait aux cicatrices sur ses poings. C'était tout ce qu'il y avait à savoir. « You’re borderline obsessive these days. » Deux yeux levés au ciel, il a la parade facile, Noah, quand il sait qu'il a tort, mais qu'il préfère ne pas l'avouer. Quelques gorgées d'alcool pour éponger sa colère. Ca devrait suffire à épargner son ami pour les trente prochaines secondes. « I just saw her. Nothing happened. I’m the reason she’s in that damn place, remember ? She hates me. It won’t change. » S'il ne s'était jamais plaint des conséquences des actes d'Abel, il ne les avait jamais compris. Il y avait clairement un truc entre son pote et cette fille. Un truc qu'il avait jamais cautionné mais qui semblait rendre Abel heureux ou, plutôt, moins triste que d'habitude. Y a un silence de quelques secondes, et ça lui ressemble pas. Noah, il est pas du genre à laisser traîner les mots au fond de sa gorge. Alors, il les laisse s'échapper. « I don't trust her. » De toute façon, il ne faisait confiance à personne, et encore moins aux sorciers. D'un air réprobateur, il secoue la tête. « She's coming for you. » C'était la seule solution possible. Cette fille n'était pas revenue dans sa vie pour rien, la coïncidence était trop grande pour en être une. Alors, Noah, il dit à vois haute ce qu'ils savent déjà tous les deux, tout en sachant qu'il ne l'écoutera pas. Y avait qu'à le regarder, Abel, pour savoir qu'il était déjà trop tard. « That girl's trouble. Stay away from her. »

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« I don't trust her. » Un sourire qui s’efface au rythme des verres qui claquent sur le comptoir. Le bruit de tous les regrets qui font écho dans son cœur, un tombeau pour tous les rêves qu’il a choisi d’abandonner ; comme de la craie qu’on essuie sur un tableau, laissant une vague trace blanchâtre, presque invisible démarquant pourtant sur la noirceur de la surface. Noah secoue la tête, pas d’arguments pour le convaincre, ce soir. Pas de grandes histoires à raconter, comme à l’époque où ils se réfugiaient dans les dortoirs d’un orphelinat abandonné sur Staten Island, à l’époque où ils fuyaient la réalité dans ses couloirs, avec des illusions engorgées dans leur cœur palpitant. Des notes de piano pour absorber leurs rêves et leurs aventures, toutes inventées, celles qu’ils pourraient vivre, plus tard, ailleurs, dans un autre endroit, avec d’autres visages et d’autres monstres peut-être aussi. C’était facile de s’y abandonner, de s’y retrouver comme dans un sanctuaire, un endroit qui n’appartiendrait qu’à eux. Mais les gamins ont grandi. Noah, agrippé par la colère et la rage, qui flâne dans les rues de New-York avec du sang sur ses poings pour une révolution qui pourrait ne jamais voir le jour. Mais ça, Abel ne lui dira jamais. Peut-être qu’au fond, il est déçu aussi de voir à quel point c’était devenu facile de se mentir l’un à l’autre.

« She's coming for you. That girl's trouble. Stay away from her. » Une menace, un avertissement, une promesse. Peut-être la prophétie d’un destin funeste qu’il s’est lui-même choisi, et quand bien même le temps se retrouve à la portée de ses doigts, le sablier ne peut pas l’empêcher de refaire, encore et encore les mêmes erreurs, répéter les mêmes mouvements, inlassablement. « Yeah, right. Bullshit. » Il commande deux autres verres. La vérité qui se noie au fond d’un verre de whisky. « She’s not trouble, she never was. » Il ose pas le regarder, pas vraiment. Il sait que son combat est perdu. Qu’après toutes ses illusions et toutes ses combines, c’était ce coup-là, qu’il n’a jamais pu prévoir. « She knows about the... » Les mots en lévitation dans la pièce, ils se perdent et s’embourbent, et Abel ne croise toujours pas le regard de celui qu’il ne pensait jamais décevoir. ça sera un mensonge, alors. « I told her about the rebellion. Now we’re even. Maybe it… »

「 t r o u b l e 」

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«  Yeah, right. Bullshit. » Noah avait jamais été un très bon menteur. Y avait que lui qui y croyait, à ses beaux mirages, le reste du monde y voyait clair et c'était pas plus mal. Il a les nerfs, ça se lit sur son visage. Même s'il avait voulu le cacher, il aurait pas pu. «  She’s not trouble, she never was. »  C'était là que leurs avis divergeaient. Noah l'avait toujours vue comme une menace.  On ne pouvait pas faire confiance aux sorciers, il le savait. Et Abel aussi, il devait le savoir. C'était pas possible autrement. «  She knows about the...»  Les yeux écarquillés, il se prépare à répondre qu'il lui avait dit, à Abel, qu'elle allait la lui mettre à l'envers, qu'elle allait se venger, que c'était pas une coïncidence, si elle l'avait retrouvée. Noah, il se prépare à tout un tas de possibilités, mais pas à celle-ci.  «  I told her about the rebellion. Now we’re even. Maybe it…» Il s'étouffe avec sa bière. Il arrive pas à le croire, que son ami puisse être aussi con. Emma, c'était la seule personne à qui il aurait jamais dû en parler de leur putain de cause perdue. «  Now we’re even. Maybe it… » La rage. La rage au bout des lèvres, il regarde ailleurs, tente de se calmer, mais y a son coeur qui bat à cent à l'heure, un écho contre ses tempes. Il tire sur sa clope, en espérant que ça change quelque chose, puis ses yeux se posent sur son ami.  « You know, Abel, you're pretty dumb, but you can't be that dumb. » Y avait beaucoup de choses qu'il ignorait. Quand ses parents sont morts, Noah avait coupé le monde en deux. D'un côté, y avait les sorciers, leur magie couleur hémoglobine et leurs lois iniques. De l'autre, y avait les siens, ceux qui avaient troqué leur liberté pour la paix d'un monde auquel ils ne croyaient plus, ceux à qui on avait arraché l'espoir des yeux. C'était simple, facile à retenir. Y avait qu'un ennemi, un seul, et aucune exception. Y avait beaucoup de choses qu'il ignorait, parce qu'il avait aucune envie de les connaître. Il voulait pas voir les nuances dans son monde en noir et blanc, il voyait juste rouge. Les yeux d'Abel, ils voyaient peut-être autre chose. Peut-être que là où il voyait des monstres, il voyait des opportunités. C'était impossible de le savoir. Noah n'avait jamais cherché à comprendre. « This bitch will get you and me both killed. » Abel aussi, il faisait partie des rebels. Pas par choix, mais parce que Noah se serait déjà tué s'il avait pas été là pour assurer ses arrières. C'était pas faute d'essayer de le convaincre, qu'il se battait pour les bonnes raisons et que la guerre était la seule solution. Mais dans son monde monochrome, y avait que lui qui y croyait, à ses beaux discours. Abel, il était de ceux qui s'infiltraient dans les failles du système plutôt que de le combattre. Il pouvait pas lui en vouloir pour avoir choisi la solution de facilité. « And you're out here wondering about what move you're gonna make to get into her pants. » Il secoue la tête, il a l'air déçu, Noah. Il l'est. La hache de guerre est déterrée, ils le trouveront plus, leur terrain d'entente. « I leave you for three weeks and you go full stupid... »

trouble

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But I'll meet you at the delta where the rivers run into the sea. And I'll meet you at the delta. What's behind, I can clearly see, but that beyond, that's beyond me.

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« You know, Abel, you're pretty dumb, but you can't be that dumb. » Entre Abel et Noah, il y avait toujours eu une sorte de pacte, une réalité qu’ils peinaient à maîtriser, coincés entre leurs rêves et la sombre île de Staten qui leur avait tout arraché. Une confiance aveugle, jalousement gardée pour se protéger des autres, des affres de leur cœur meurtri par la beauté placide de la liberté. Les deux gamins tournoyaient dans le noir avec des ombres pour seule consolation, l’odeur de la mort, pestilentielle, les accompagnant à chacun de leur pas. Les corps avaient été jetés à la mer, orphelins de parents qui n’avaient plus que l’autre pour se rappeler que leurs poumons avaient besoin d’air pour continuer à fonctionner. C’était avec une facilité déconcertante qu’ils étaient devenus la bouée de sauvetage l’un de l’autre. Une co-dépendance parfois presque malsaine, parce que comme toujours, les cœurs finissent par être brisés, les mirages disparaissent peu à peu et les regards se perdent dans tout ce qui ne sera jamais dit, tout ce qui ne sera jamais fait. « This bitch will get you and me both killed. » Dans un autre monde, peut-être qu’ils ne se seraient jamais croisés. Qu’ils seraient en train de s’évader par-delà le mur, là où personne n’a jamais mis les pieds, là où les sorciers promettaient mort et désolation. Mais ici, à New-York, les choses ne changeaient jamais vraiment. La même histoire se répétait encore et encore. Lui qui courrait derrière le gamin furieux pour le sauver de ses propres démons, l’cœur trépidant, au bord des lèvres, à imaginer l’inconcevable s’il était pas là. A imaginer son corps dérivant dans l’océan, une victime de plus, un soldat de plomb jeté à l’eau. La vision d’horreur parce que s’il avait plus Noah, Abel, il n’avait plus rien.

« And you're out here wondering about what move you're gonna make to get into her pants. » Il secoue la tête, pendant qu’Abel boit un autre verre. « I leave you for three weeks and you go full stupid.. » Le liquide brûle sa gorge, presque autant que tous les mensonges qu’il s’obstine à lui offrir, des regrets dans les tripes, avec le poids toujours plus lourd de la pierre qui se cache au fond de sa poche. Un morceau de cuir recouvrant sa propre honte, ses propres faiblesses. Il maîtrisait le temps, et pourtant il n’a jamais eu autant l’impression d’être perdu au milieu du grand large. Un tourbillon de faussetés qui s’échappaient de sa bouche. « She’s not going to do anything about it. » Finalement, il l’affronte, le regard de Noah, et son secret à jamais été aussi difficile à cacher. « What were you doing for three weeks anyway ? Getting your ass killed for the fucking revolution ? » Encore et toujours une échappatoire, une pirouette pour éviter le pire. « It’s pointless and you know it. There’s us and them. It’s always going to be this way. » Parce que chaque mot n’était rien qu’une hypocrisie de plus. Parce qu’Abel, il avait le pouvoir de tout changer au creux de sa main, et que même pour Noah, il le ferait pas.

Et au fond, il se détestait un peu pour ça, aussi.

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« She’s not going to do anything about it. » C'était pas la réponse qu'il attendait. Dans son monde en noir et blanc, Noah percevait pas les nuances d'Abel et, aveuglé par la rage, il avait pris la décision d'ignorer ses zones d'ombres. Trop borné pour comprendre, il avait les yeux imbibés de kerosene, prêts à exploser à la moindre étincelle et les mots qui se profilaient dans sa gorge, c'était des grenades. Entre eux, y a le carnage d'un champ de bataille et ils avaient tous les deux perdu la guerre. « What were you doing for three weeks anyway ? Getting your ass killed for the fucking revolution ? » Souvenir des trois semaines d'asphyxie dans ses poumons atrophiés, il a le coeur qui manque d'exploser. Il secoue la tête pour chasser les souvenirs et fait comme si ça suffisait. Se brûler la gorge avec l'alcool ou avec la fumée d'une clope, incendier les silences qui n'ont pas lieu d'être, ça lui ressemblait pas de ne pas répondre. La différence entre lui et Abel, c'était qu'il avait pas capitulé et qu'il le ferait jamais. Il refusait de se compromettre, il refusait de se corrompre, les sorciers devaient disparaître, et s'il fallait qu'il meure pour anéantir leur magie, il le ferait, il se l'était promis. « It’s pointless and you know it. There’s us and them. It’s always going to be this way. » Mais le pire dans tout ça, c'était qu'une partie de lui savait qu'Abel avait raison. Que la guerre était trop grande pour un seul homme et qu'il serait jamais assez puissant pour venger ses parents. Le pire, c'était qu'il savait que tout serait plus simple s'il déposait les armes, s'il arrêtait de se battre, s'il obéissait. Le pire, c'était que parfois, il hésitait à le faire. Et à ce moment-là, c'était parce qu'Abel lui renvoyait ses propres doutes qu'il se levait. Le verre posé lourdement contre le bois d'une table il enfile son blouson en cuir.  « No matter how pointles syou think it is, the world is shifting, my friend. Don't find yourself on the wrong side of it. » Sa main sur l'épaule de son ami. « Til then, I'll remember I owe you two cans of beer. »

the end