i closed the door and never looked back (indigo)

( Merci de bien vouloir remplacer les « *** » par l’insulte de votre choix.)

« Va te faire foutre, *** » C’est comme ça, régulièrement, avec Indi. Personne n’est étonné quand l’insulte résonne dans le bar, ni quand elle passe la porte, véritable tornade aux cheveux bleus. Parce qu’ils sont bleus, en ce moment - il y a deux semaines, ils étaient encore roses, et elle avait de la teinture plein les doigts. Personne ne s’offusque non plus quand on entend gueuler, dehors, et que l’affaire se finit en règles en coups. Elle a toujours aimé utiliser ses poings, Indi, après tout, c’est ce qu’on lui a appris, et c’est ce qui lui reste. C’est tout ce qui lui restait, d’ailleurs, quand les membres du coven l’ont balancée là, aux portes de Rockaway, sans un mot de plus - juste une interdiction formelle de sortir, de revenir, de s’approcher. Sa magie disparue, il ne lui restait que ses réflexes, cet entraînement, ce conditionnement du corps qui ne demande ni rituels ni sorts. La simple habitude des poings serrées, des phalanges meurtries, des muscles tendus. Du corps en attente, sur ses gardes, prêt à encaisser. Ce sont toujours ses poings, aujourd’hui, qui volent avant ses flammes - bien que celles-ci lui échappent, parfois, lorsqu’elle est vraiment hors d’elle. Lorsqu’un *** a posé la main sur une fille, lorsqu’un autre *** se fend d’un remarque misogyne. Mais elle revient, Indi, boire son verre quelques soirs par semaine et malgré son caractère de chien enragé, on l’aime bien : parce qu’elle rit fort et qu’elle aime gentiment vous bousculer, parce qu’elle n’est pas la dernière pour les jeux d’alcool, parce qu’elle vibre, à sa manière, haute en couleur, en colère.


« Indi, rends-moi ce boxer, j’en ai besoin. » Ça, c’est son colocataire, Laserian. Il est agacé parce qu’Indigo, depuis huit ans, lui vole ses vêtements - et souvent ses sous-vêtements - pour traîner à la maison. Ce soir-là, exactement, elle est vautrée sur son lit, allongée sur une multitude de coussin qu’elle a ramené d’ont ne sait où, son chat lové contre sa cuisse. Elle feuillette un manuscrit que Lase a ramené un peu plus tôt dans la journée et dont il n’a pas encore disposé. Laserian Hyde, cet imbécile auquel elle est attachée - mais elle préfèrerait qu’on lui arrache la langue plutôt que de l’admettre. C’est lui qui l’a trouvée peu de temps après que le coven de l’Automne l’ait déposée aux portes de Rockaway. C’est aussi lui qui l’a ramenée à la maison, lui offrant un toit, comme ça, sans vraiment la connaître. Il n’a pas aidé grand monde, après l’avoir tirée de la rue - c’est peut-peut-être parce qu’elle l’a mordue sur le chemin, alors qu’il la tenait par le col comme on porte un chiot perdu ; peut-être sont-ces les insultes colorées qui l’ont dissuadé de renouveler l’expérience. Il n’empêche qu’ils en sont là, à présent : l’un à moitié habillé, attendant de retrouver son boxer volé, l’autre étalée sur un lit qui ne lui appartient pas, décidée à ne surtout pas bouger. « T’as qu’à y aller commando, ça ferait du bien à tes testicules de prendre l’air. » « Indi. » « Lase. » Elle n’a pas besoin d’en dire plus car, lorsqu’il tend la main pour la déloger, c’est son chat qui se met à souffler, siffler, hisser de toutes ses forces, le poil dressé et les crocs bien visibles. Elle adore ce chat.




« Vous êtes qu’une bande sales ***. Vous avez la tête enfoncée si loin dans votre *** que vous obéissez comme des moutons. Vous réfléchissez même plus. Ça vous choque pas, cette histoire de grande guerre, *** ? Ça choque que moi ? Vous vous croyez meilleurs, c’est ça, meilleurs que les humains ? Mais vous êtes que des ***-***. » Si la mémoire d’Indigo ne lui fait pas défaut, ce sont les derniers mots qu’elle a adressé à ses parents et à son frère avant son bannissements. Ils ne savaient pas, à ce moment-là, qu’elle avait volontairement donné un rituel du coven à un membre d’une autre court. Ils ne savaient pas ce qui attendait leur fille mais elle n’est pas certaine qu’ils en aient été choqués. Ou qu’ils s’en soient souciés, à vrai dire - il n’y a que la honte et le déshonneur, qui ont dû les chiffonner et franchement, elle est ravie de les avoir mis dans cette merde-là.
Elle n’a jamais su qui l’a balancée - intimement, elle est persuadée que c’est son frère qui a craché le morceau, tant il lui a fait la leçon, des dizaines et des dizaines de fois, au cours des mois précédant son seizième anniversaire et son bannissement. Ce n’est pas ce qui l’intéresse, dans ce souvenir, ni ce dont elle se rappelle avec le plus de vivacité. Le pire, c’était la douleur, quand il ont coupé la flamme de son omoplate et qu’ils ont tout effacé. Quand sa magie a été soufflée, comme une bougie, que tout a disparu. D’un coup, le vide. Le noir. Il n’y avait plus que sa colère, sans rien pour l’exprimer, sans rien pour nourrir le brasier. Plus aucune lumière. Indi n’a pas souvent connu le désespoir - le vrai, profond, cette abîme dont on ne semble jamais vraiment se relever - mais elle sait que ce jour-là, elle y a goûté.






« Indi, c’est un entraînement, attend que ton frère ait remonté sa garde. » Elle doit avoir six ans et, évidemment, elle n’attend pas que son frère ait remonté sa garde. Elle attaque, repousse son adversaire dans un coin, laisse sortir ses flammes puisque, de toute façon, il ne craint rien. Il est surpris, ne s’attendait pas à ce que sa petite-soeur soit aussi violente, aussi acharnée. Indigo l’a toujours été mais ils ne l’avaient pas encore remarquée. Ni lui, ni ses parents. Ils prenaient ses humeurs pour des caprices sans y voir les graines de rébellion à venir, ne comprenant que trop tard qu’il aurait presque mieux valu donner naissance à deviant, plutôt qu’à une future exilée. « Votre fille a du potentiel, mais il faut lui apprendre la discipline. Elle est incontrôlable pour le moment. » Le mot est lâché, l’imprononçable, l’impardonnable. Un soldat de l’automne ne peut pas être incontrôlable, alors on tente de la brider, la petite Indigo, encore jeune, encore apte à être modelée - de ce qu’ils croient. On lui donne des instructeurs privés, on la punit, on la brime, sans délicatesse, sans retenue. Elle s’enfuit dès ses huit ans, se glisse entre les corps au Fight Club, finit par y participer quand elle est assez âgée pour faire face à ceux qui, dans l’arène, sont prêts à prouver leur loyauté. Elle n’a pas sa place dans tout ça, Indi, et elle le sent déjà. Elle a sept ans, peut-être, quand elle le réalise, peut-être même avant. Elle ne veut pas obéir, ne veut pas plier, encore moins se briser sous les ordres des autres. Elle ne sait pas comment le dire, comment l’exprimer, les mots bouillonnent sous sa peau et ses flammes ne cessent de voleter, de prendre forme, d’attaquer. Déjà, enfant, elle rêvait de liberté, ne trouvant d’échappée que dans les figurines qu’elle formait dans le brasier.