31 Octobre Une naissance difficile. Lyanna attrape la main de son époux, la broie littéralement avant de pousser un cri de rage, de force. Il faut que sa fille naisse. Il faut qu’elle sorte de son ventre, qu’elle vive, qu’elle soit la lueur dans le monde sombre, qu’elle soit la lumière. Elle le sait. Elle se bat comme une lionne, elle porte bien son prénom.
« - Allez Lya, la tête est presque sortie, tu y es presque » La jeune femme reprend son souffle. James, son époux, l’embrasse sur le front.
« - Je t’aime, tu peux le faire » Elle le regarde, sans savoir si elle l’aime ou si elle le déteste. Elle souffre tellement, elle voudrait qu’il soit à sa place, qu’il comprenne à quel point l’accouchement est une torture. Une autre sage-femme présente pour l’accouchement éponge le front de Lyanna, elle est prête à tout laisser tomber. Pourtant, elle sait qu’elle ne peut pas. Cette enfant est importante, elle aura un avenir décisif pour les humains. Elle le sait, c’est une sorcière bannie qui le lui a dit… Alors elle doit la mettre au monde. Elle reprend son souffle, elle pince ses lèvres et elle pousse.
« - Oui ! Oui ! Continue Lyanna, c’est bien, la tête sort… » Elle sent tout, tout parce qu’elle n’a pas pu avoir de péridurale, elle sent sa fille sortir de son ventre, se rapprocher de la vie.
« - Stop… la tête est sortie... » La sage-femme vérifie sans doute que tout se passe bien, Lyanna ne peut rien voir dans sa position.
« - Ok, dernier coup, tu inspires à fond, tu ne t’arrêtes pas, tu vides tes poumons, elle va vite être là ». La lionne reprend. Elle vide d’air ses poumons, elle souffle, pousse, force… Et d’un coup elle est délestée d’un poids.
« - La voilà ! » Lyanna se sent d’un coup si vide. Elle cherche du regard sa fille, elle n’entend rien. Les deux femmes s’activent sur la petite… et alors le miracle se produit. Elle pleure. La jeune maman fond en larmes, envahie par un tas d’émotions. A nouveau, elle sent les lèvres de son époux embrasser son front. Il lui glisse un
« - Je suis si fier de toi » Elle sourit mais elle veut sa fille. On lui apporte, le bébé est emmailloté dans un drap, on lui dépose dans ses bras. Lyanne tremble de partout, elle est si petite, comment va-t-elle devenir forte ? Si forte pour jouer un rôle dans l’histoire ?
« - Alors, comment vous allez l’appeler ? » Lyanna reprend son souffle, son coeur bat si vite, Jamie est dans le même état. Alors toute sourire, elle regarde son compagnon, ils savent déjà.
« - Comme ma grand-mère, Mairead » Lya berce alors tendrement sa fille dans ses bras. Jamie penchait sur les deux femmes de sa vie.
« - Bienvenue Mairead »12 Avril Elle dessine l’enfant. Ses longs cheveux volent au vent. Elle regarde en face d’elle. Elle ne sait pas quoi penser des buildings qu’elle voit. Elle les dessine. Manhattan ou Brooklyn. Il y a les deux. Elle rêvasse, elle a terminé l’école clandestine, l’école de Staten Island. L’école sauvage. Elle aime bien apprendre, elle est une bonne élève, elle a des facilités, de grandes facilités. Elle rend fiers ses parents. Elle a un don, il n’a rien à voir avec la magie, ou si, la magie du cerveau humain. Elle a une grande mémoire, eidétique c’est le terme médical. Parfois on dit photographique mais ce n’est pas que cela. Elle regarde en face d’elle, elle n’aime pas vraiment ce qu’elle voit, les quartiers sorciers ne sont pas spécialement ses favoris. Elle grandit dans la haine des sorciers. Pourtant, ce n’est pas tant la magie qu’elle déteste, ce n’est pas leur différence qui la dérange. Ce qu’elle déteste c’est leur supériorité. Ils se pensent tout permis. Elle n’a que 9 ans et pourtant elle comprend que le comportement des sorciers n’est pas normal. Que rien n’est juste dans le monde dans lequel elle évolue. Maisy replonge son regard sur son carnet, elle regarde le dessin qu’elle vient de faire. Il est minutieux, précis, les buildings sont parfaits, les traits dessinés au crayon à papier. Elle soupire légèrement. Le soleil décline, elle sait qu’elle doit rentrer, ne pas tarder, le couvre-feu oblige, mais surtout sa mère. Elle referme vivement son carnet, elle range ses affaires dans son sac. Elle se lève. Elle prend la route de la vieille maison branlante qui lui sert de refuge à ses parents et à elle. Elle aime cet endroit, il n’est pas rutilant mais il est chaleureux et à l’intérieur, la générosité y règne. Son père est connu, populaire. C’est un homme bon, il est toujours là pour aider son prochain, c’est ce qu’elle apprend à ses côtés. Des stratèges, des rebelles, ça aussi, elle le sait, elle entend le soir les réunions clandestines, elle entend tout mais elle fait semblant de dormir. Les Rosenberg sont populaires, aimés, ils ont une influence certaine sur Staten Island, on leur fait toujours confiance. Mairead est fière d’eux.
Elle sort de ses pensées. Il y a des bruits, des haussements de voix… Elle reconnait la scène avant même de tomber dessus. Elle avance dans la ruelle. Un groupe de garçons attroupés, elle se demande vraiment ce qu’ils font, jusqu’à ce qu’elle comprenne qu’ils sont en train de s’acharner sur une personne. Elle s’avance vers la scène, elle tente d’analyser, elle aime faire ça, son cerveau se met en marche tout seul. Ils sont trop nombreux et ils frappent un garçon. L’injustice lui saute aux yeux à l’enfant. Elle n’est pas dupe. Elle proteste.
« - Hey ! Sérieusement, vous devriez avoir honte » Des mots que des mots, ils se retournent à peine, lui rit au nez. C’est ce qui la fait bondir, elle sait qu’elle arrivera alors en retard pour le dîner et que sa mère la grondera sans doute. Tant pis, c’est pour la bonne cause. Elle lâche son sac à dos. Elle attrape une pierre non loin de ses pieds, elle vise pendant qu’ils l’ignorent et elle lance. Bingo. Elle a toujours été douée à ce jeu-là. Le caillou vient heurter le crâne d’un des méchants enfants. Il sursaute et gémit. Il porte sa main sur l’endroit de l’impact, Maisy voit le sang d’ici,
Il l’a bien mérité pense-t-elle. Ils se retournent tous. Elle a apparemment visé le chef de la bande. Elle leur rit au nez, l’arrogance déjà.
« - Bah quoi les mecs, vous allez vous en prendre à une fille ? Vous ne vous êtes pas assez défoulés ? » Son ton est affreusement méprisant, elle les provoque clairement, ils s’approchent d’elle, elle soutient le regard. Elle sait qu’ils ne la frapperont pas. On ne tape pas une fille, on ne tape pas la fille de James Rosenberg.
« - Tu ne paies rien pour attendre » Le soi-disant chef la bouscule mais elle s’en fiche royalement. Elle attend qu’ils aient quitté la ruelle avant de s’avancer vers le garçon qui s’est fait taper. Il a dû se défendre, elle a noté des marques de coups chez les autres garçons. Il se redresse péniblement. Elle lui tend une main amicale. Il l’ignore. Elle soupire.
« - Qu’est-ce que tu as fait pour les mettre en pétard ? » La curiosité sans doute. Elle est presque sûre qu’elle l’a déjà croisé, après tout, ils ont un peu près le même âge, il doit aller dans la même école qu’elle. Elle soupire.
« - Qu’est-ce que tu as fait pour les mettre en pétard ? » La curiosité sans doute. Elle est presque sûre qu’elle l’a déjà croisé, après tout, ils ont un peu près le même âge, il doit aller dans la même école qu’elle.
« - Pourquoi est-ce que tu m’as aidé ? » Elle le regarde, penaude et elle hausse les épaules.
« - Parce qu’ils ne se seraient pas arrêtés avant que tu sois KO » Cela paraissait tellement évident, pourquoi ? Pour l’aider mais apparemment son aide n’est pas la mieux perçue.
« - La prochaine, je ne laisserais te débrouiller si tu ne veux pas d’aide » Elle le regarde se relever péniblement. Elle lui tend un mouchoir en tissu.
« - Tu saignes à la lèvre » Un geste simple. Il le prend et s’essuie la lèvre. Leurs regards se croisent. Mairead sourit légèrement. C’est tout ce qui se passe. Parce qu’en suite, Gabriel part pour aller provoquer les brutes qui l’ont mis à terre. C’est là que Mairead se dit que les mecs ont un sérieux problème.
« - Dis surtout pas merci ! »23 Juillet Elle court. Elle sent son cœur taper dans sa poitrine. Elle le sent s’affoler. Elle ne lâche pas. Elle n’a pas le choix. Elle doit retrouver son chemin. Sa mémoire l’aide, elle se souvient toujours. Elle trace son chemin, elle n’a que faire des protestations qu’elle engendre sur son passage, des gens qui râlent. Elle continue. Le ferry est presque à sa portée, encore deux rues, elle arrive sur les quais. Elle entend le klaxonne du ferry, ça c’est mauvais signe, ça veut dire qu’il va partir. Elle accélère, elle ne sait pas vraiment où elle trouve la force. Elle voit que c’est trop tard. Enfin pas tout à fait. Elle ne devrait pas faire ça, c’est risqué, si elle se loupe, elle termine dans l’Hudson. Elle n’a que cinq secondes pour se décider mais lorsqu’elle voit les gardiens de la paix débouler et la repérer… elle n’hésite pas. Elle prend son élan, elle a quoi deux, trois mètres tout au plus à sauter. Si elle a bien fait tous les calculs, elle peut le faire, elle risque quand même de se faire mal mais elle ne peut pas se faire attraper, jamais, c’est la règle. Alors elle saute, elle donne tout, elle atterrit un étage plus bas… elle n’avait pas trop prévu ce genre d’atterrissage, elle voulait attraper la rambarde et passer par-dessus mais elle atterrit au niveau du parking. La chute est rude, elle fait une espèce de roulade, son genou ripe sur le sol, elle gémit. C’est douloureux. Forcément. Elle boîte jusqu’à une planque, elle y passe la traversée pour ne pas se faire attraper. Elle vérifie sa poche, tout semble ok.
Le ferry termine son chemin, il arrive à Staten Island. Elle pense être tranquille, elle se fond dans la foule, elle tente de passer inaperçue. Seulement les flics de l’automne n’abandonnent apparemment jamais, même pour un petit larcin. Petit ? Peut-être pas tant que cela. Disons que c’est moindre. Ils tiennent à leurs fichus mécanismes pense-t-elle. Elle sent une main sur son épaule et rapidement elle entend.
« - Hop hop hop toi, tu vas venir avec nous » Elle réagit au quart de tour, elle n’a pas l’intention de se laisser faire. Elle se retourne, un coup de pied dans le tibia et elle reprend sa course. Elle est moins rapide, son genou saigne et lui fait mal, elle a déchiré son pantalon, sa mère ne va pas être contente, elle trouvera un moyen de se racheter. Elle court, elle a mal partout, ce n’est qu’une enfant. Elle est sur le point de tout lâcher, elle ne sait plus où aller, elle connait pourtant Staten Island comme sa poche mais elle est épuisée par la première course et la chute, elle perd du temps à chercher son chemin et elle se serait sans doute faite prendre si quelqu’un ne l’avait pas tiré dans le hall d’un immense. Elle se plaque contre le mur, les flics ne semblent pas l’avoir vu, ils la cherchent, ils font bien la laisser. Elle se tourne alors vers son sauveur, elle n’a pas encore eu le temps de le regarder, de voir de qui il s’agissait. Elle est étonnée. Un demi-sourire se dessine sur son visage.
« - Suis-moi avant qu’ils ne nous trouvent » Elle se retourne comme pour se rassurer, à travers la vitre de la porte de l’immeuble. Personne, juste la foule d’humains de Staten Island, personne ne semble se soucier d’eux. Elle se retourne vers Gabriel qui semble vouloir être son sauveur. Elle le suit alors jusqu’à chez lui. Elle regarde partout, elle sait qu’elle ne trouvera pas de flics là-haut mais elle est sur ses gardes, toujours. Gabriel la fait entrer. Elle ose à peine mettre un pied dans l’appartement, elle n’est pas chez elle, elle ne sait pas si elle fait bien. Elle regarde, c’est joli. Elle sourit en voyant l’univers dans lequel grandit Gabriel.
« - Merci, tu n’étais pas obligé » Elle boite toujours, son genou saigne et il est toujours douloureux.
« - Ma mère a de quoi soigner ton genou, assied toi sur le canapé » Elle sourit encore, elle est un peu gênée, pourtant, elle a toujours un truc à dire Mairead mais là, elle est étonnée. Elle s’exécute. Le temps que Gabriel ne revienne, elle sort alors son larcin de sa poche. La surprise est mauvaise. L’objet est cassé. Maisy avait volé une montre à gousset pour l’anniversaire de sa mère, seulement elle a dû se casser lors de sa chute. Elle se pince les lèvres, elle est vexée, terriblement vexée. Elle la range au moment où son nouvel ami revient avec de quoi désinfecter son genou. Elle le laisse faire, même si elle ne cache pas sa grimace quand il nettoie la plaie, ce n’est pas une grosse blessure mais ça pique.
« - Je croyais que tu étais le genre de fille que même un désinfectant n’arrêterait pas » Il la taquine, elle la cherchait. Si elle semble si fragile d’un coup c’est qu’elle a gâché son après-midi. Elle tente de se reprendre, elle n’aime pas qu’on la voit comme ça.
« - Tu m’as surprise, c’est tout, je ne sens absolument rien » Tente-t-elle. Pourtant, elle frémit quand il repasse du coton imbibé dessus.
« - Mon œil » répond Gabriel. Il finit par lui mettre une compresse et du sparadrap pour protéger la peau abîmée.
« - Merci » Ose-t-elle. Elle attend un peu pour se redresser, pour fuir, elle se sent en sécurité dans l’appartement. Elle voudrait ne pas le quitter pour être tranquille, mais elle n’aura pas le choix.
« - Alors, pourquoi ils te courraient après ? » Mairead soupire bruyamment. Au point où elle en est. Elle ressort alors l’objet dérobé, l’objet cassé. Elle le tient dans sa paume et lui montre.
« - Bien joué, dommage qu’elle soit cassée… » Comme si elle ne savait pas.
« - C’est l’anniversaire de ma mère aujourd’hui, je voulais qu’elle ait quelque chose de beau, je voulais lui offrir ça » Elle soupire encore, déçue, tellement vexée.
« - Elle a dû se casser quand je suis tombée… » Elle pose la montre cassée à ses côtés sur le canapé. Alors Gabriel se lève d’un coup. Il semble avoir une idée derrière la tête, la jeune fille le regarde s’éclipser, il finit par revenir assez rapidement. Il tient quelque chose dans sa main. Il lui glisse entre les doigts. C’est également une montre à gousset, un peu différente de celle qu’elle a volé mais tout aussi belle, pleine de rouages que seuls les sorciers de l’automne savent faire. Elle est sublime. Mairead l’admire. Elle relève les yeux vers Gabriel.
« - Mais non, c’est la montre de ta mère… je ne peux pas ! tiens ! » Elle lui rend. Il soupire et lui refourgue dans les mains.
« - Ma mère a oublié qu’elle l’avait, elle fera plus plaisir à la tienne, tu peux me croire » Mairead hésite, mais si elle rentre les mains vides, elle va s’en vouloir…
« - Je ne sais pas, ça me gêne » Elle se pince les lèvres, elle aimerait dire oui, ne pas faire d’histoire mais elle ne veut rien lui devoir.
« - Prends-là, c’est ce que font les amis » Elle le regarde.
« - Les meilleurs amis alors… » Elle lui fait un sourire complice, est-ce que c’est depuis ce jour-là qu’ils sont devenus inséparables ? C’est bien possible.
Décembre Son cœur bat fort. Trop fort. Elle ne devrait pas être là. Son père ne veut pas la voir en danger, il veut pouvoir se concentrer sur ses actions. Il veut être sûre qu’elle est en sécurité. Il ne peut pas lui demander de rester à l’écart. Elle n’a pas l’intention d’obéir. Elle va se mêler à la foule d’humains en colère et crier sa colère, elle en a besoin. Parce que la rage gronde, elle la ronge doucement. L’injustice n’est pas faite pour elle. Elle marche dans la foule, la manifestation n’a pas encore véritablement commencé. Elle porte un bandana sur son nez, parce que même si c’est sa première révolte, elle sait parfaitement ce qui va se passer. L’Automne va les balayer par les flammes. Le feu est leur meilleure méthode pour repousser toutes les insurrections. Tellement facile. Il ne faudrait surtout pas se remettre en question. Mairead n’aime pas ce coven, c’est sans doute le premier qu’il faudrait faire tomber. L’automne gouverne d’une main de fer, de feu devrait-on dire. L’automne ne laisse aucune place à l’humanité. Il n’y a que la sorcellerie qui compte et l’ordre établit. Personne ne semble voir que l’ordre n’est pas juste. Que ce n’est pas ce que le monde demande. L’automne se fiche pas mal des humains.
La foule gronde. Les premiers affrontements débutent. Son cœur ne cesse de s’accélérer. Son cœur pompe l’adrénaline à en revendre. Elle tient une barre de fer en guise d’arme, quoi d’autre ? Elle sait se battre, c’était dans son éducation. Un père qui gère des troupes de rebelles. Comment passer à côté d’une éducation militaire ? Son père l’a préparé. Il est prêt depuis des années. Sa colère a lui est cent fois plus grande que celle de sa fille. Lui, il a vu sa famille souffrir, ses amis mourir. Il voue une certaine haine pour le gouvernement sorcier. Il veut le voir tomber. C’est un homme bon, qui sait ce qui est bon pour son peuple. Il ne veut pas la mort des sorciers mais si eux ne souhaitent pas les écouter, alors forcément il y aura du sang à faire couler.
Mairead tousse. La fumée est dense. Elle entend les cris, les combats. Des bruits d’explosions. Elle n’a pas peur, elle cherche son père. Sa mère. Elle repère les cheveux cuivrés refléter dans les flammes. Elle se bat comme une lionne, elle tient tête à des sorciers, des policiers, elle n’a pas peur, pourtant, elle est aussi grande qu’elle. Puis son regard se pose sur son père, il est devant la foule d’humain en colère, il parle, il est trop loin pour entendre son discours. Il provoque les forces de l’ordre. Tout se passe trop vite. Les sorciers du feu envoient leurs flammes. James n’est pas touché, de justesse. Lyanna est à terre.
« - MAMAN ! » Elle se trahit. Elle voit sa mère au sol, elle a peur, cette fois, la peur prend le dessus. Elle court, fend la foule, s’agenouille devant le corps de sa mère. Elle respire, elle est pourtant blessée. Son visage… Elle sent son cœur battre tellement fort. Elle n’arrive pas vraiment à savoir si va s’arrêter ou s’il bat trop fort. Elle n’ose pas la toucher.
« - MAIREAD ! » Elle se retourne vivement. Bon sang !
« - Mais qu’est-ce que tu fais là Gaby !? » Elle soupire, elle aurait dû se douter qu’il ne la lâcherait pas. Elle lui a pourtant dit qu’elle n’irait pas. Et voilà que Gaby s’approche d’elle et de sa mère.
« - Tu ne crois tout de même pas que j’allais te laisser y aller seule ! » Elle le regarde, sans se rendre compte qu’elle y met toute la tendresse du monde.
« - Je… Je suis désolée, j’aurais dû te dire que j’irais… je ne voulais que te mettre en danger…et… » Sa mère gémit, les explosions et les affrontements continuent autour d’eux. Une nouvelle personne s’approche.
« - Mairead, qu’est-ce que tu fais ici…Lya… » Son père s’approche de sa femme, totalement inquiet.
« - Elle est simplement blessée, Papa, il fallait que je vienne ! » Il ne répond pas à l’affront de sa fille, elle caresse la partie du visage intacte de sa femme.
« - Allez-vous mettre à l’abri ! Je ne veux pas vous voir ici, ce n’est pas la place d’enfants ! » Mairead bouillonne, elle n’est plus une enfant, plus depuis longtemps.
« - Mais… ! » « - TU M’ECOUTES JEUNE FILLE ! » Elle n’a pas le temps de rappliquer. Il lui lance un regard furieux, il trahit de l’inquiétude.
« - Vous rentrez vous mettre à l’abri » Il retourne défendre son opinion avec force et rage.
Mairead tourne son regard vers son meilleur ami.
« - On doit emmener Maman à un poste de secours des Springs » Elle commence à relever le corps inerte de sa mère. Gabriel l’aide, chacun portant un peu la femme blessée. Ils fuient dans les flammes, dans la fumée. La cendre brûle la trachée de la jeune rebelle. Le trajet est compliqué. Pourtant les deux jeunes gens arrivent à bon port. Ils arrivent à un poste de secours envahis par les blessés. Les médecins font ce qu’ils peuvent. Elle livre sa mère blessée à une équipe, elle est prise en charge. Elle la regarde s’éloigner pour subir des soins. Elle a peur, peur pour sa mère. Elle attrape la main de Gabriel, elle entrelace ses doigts dans les siens et elle les sert.
Ce soir-là, il y aura eu des morts. Sa mère n’en fera pas partie mais elle gardera une marque. Son visage brûlé par les flammes toxiques d’un coven répressif. Lyanna deviendra le leitmotiv de Mairead, si elle s’engage dans la rébellion c’est pour la blessure faite à sa mère, c’est pour les droits des humains qui n’existent pas… c’est pour la liberté.
02 Août « - N’y va pas ! » Elle soupire. Elle ne veut pas avoir cette conversation. Elle sait que les avis divergent, qu’ils ne sont pas d’accord. Elle ne veut pas le décevoir, mais elle ira. Peu importe l’issu de cette conversation, elle a pris sa décision. Son père compte sur elle. Il a besoin d’elle. Elle enfile sa veste abîmée Ce n’est pas sa première et cela ne sera pas sa dernière. Il est rarement d’accord avec elle, il ne comprend pas son besoin d’aller se battre. Elle, elle en a besoin. Elle ne partage pas toujours les méthodes de son père mais elle ne veut pas être celle qui conteste. C’est lui le leader, lui qui œuvre pour la libération des humains. Alors finalement peu importe comment il s’y prend, elle veut juste des résultats.
« - Tu sais que j’irais, Papa a besoin de moi. Nous sommes l’élément essentiel. Tu le sais » Il le sait, elle le sait. Cependant les avis divergeront toujours sur les méthodes à employer. Mairead est une femme maintenant, une femme d’action. Elle a grandi dans ce milieu, elle n’a connu que la répression, elle a vu sa mère se faire blesser pour défendre sa liberté, elle n’a pas peur.
« - Le groupe de Papa attaque la Day Court. Parce qu’il faut attaquer fort ce soir. C’est maintenant ou jamais. Je ne te force pas à venir Gaby, je peux me débrouiller toute seule, vraiment » Ce n’est nullement un reproche, elle ne lui reprochera jamais de ne rien faire pour eux. Jamais. Elle accepte cette différence d’opinion. Elle remonte la fermeture éclaire de son blouson, elle attaque rapidement ses longs cheveux en une queue de cheval, elle la range dans le foulard qu’elle va mettre sur son visage. Un bon moyen de le cacher, un bon moyen de ne pas trop respirer de fumer.
« - Tu ne comprends pas… » Elle lui souffle. Parce qu’il n’a pas le même lien avec son père, que son père est pacificateur plutôt que rebelle. Mairead ne laissera jamais celui qui lui a donné la vie, qui lui a tout appris.
« - Non, effectivement je ne comprends pas qu’un père mette sa fille unique en première ligne de mire » Sur ces paroles, elle lui tourne le dos, un peu déçu. Blessée. Elle sait au fond d’elle qu’il a raison. Elle ne veut pas l’entendre.
Ce soir elle joue la diversion. Mettre du grabuge pour qu’un autre groupe, celui de ses parents, partent sur Manhattan. Partent pour leur mission. Elle sait juste qu’ils vont s’en prendre à l’un des coven, elle suppose que c’est symbolique. Son père ne la voulait pas sur cette mission, trop risquée à son goût, il voulait être sûre de pouvoir se concentrer sur sa mission et non sur la peur de perdre à la fois sa femme et sa fille. Alors Mairead agite les foules, comme c’était prévu. Ou presque.
Les choses dégénèrent. Rien ne se passe comme elle l’avait prévu. La colère des humains est grande, elle gronde. Les affrontements commencent et Mairead prie pour que ses parents arrivent à leur fin. Le feu brûle tout ce qu’il touche. Les sorciers de l’autumn court n’ont pas de pitié, il calcine tout ce qui se trouve à leur portée. Elle a un bouclier de fortune et une barre de fer comme arme. Elle est prête à recevoir les flammes de l’Enfer. Pourtant il y a un élément qui ne se passe pas comme prévu. Gabriel est là. Alors que son regard sur lui, elle constate qu’il va mourir. Elle ne peut pas se résoudre à le perdre, s’il est venu c’est de sa faute. Le soldat s’apprête à se défendre, mais il va répliquer avec force. Gabriel ne pourra pas se défendre. L’Automne est championne dans l’inégalité. Si on se battait à force égale, peut-être que l’on pourrait entrevoir un peu de justice. C’est l’instinct qui parle, l’action n’est pas vraiment réfléchie. Elle fonce. Elle n’est qu’à quelques mètres. Elle s’interpose. Elle place son bouclier devant elle, ce bouclier fait d’un couvercle de poubelle en taule. La taule et le feu, ce n’est pas une bonne idée. Le métal chauffe et elle doit lâcher l’objet, les mains brûlées. Elle rage la jeune rebelle, comment peut-on être si cruel ? Elle n’hésite pas, elle charge et c’est là que l’accident arrive. Ce n’est pas vraiment un accident. Le soldat voulait lui faire du mal. Elle a reçu un coup, énorme. Elle a à peine senti la douleur. Non, ce sont les ténèbres qui l’ont envahi avant. Elle a perdu connaissance.
Elle ne se souviendra pas de la suite. Du soldat qui repart dans les affrontements avoir lui avoir massacré le visage à coup de poignard. Elle ne se souviendra pas de Gabriel qui l’a porté jusqu’à un camp de secours.
Le bilan c’est des brûlures superficielles, un visage scarifié et une commotion cérébrale. Une commotion qui lui vaudra plusieurs jours de coma.
Août - Fin Octobre La douleur est horrible. Elle a l’impression qu’il lui manque une partie de son visage. Tout lui tire. Tout la chauffe. Elle est faible. C’est cette souffrance qui lui fait ouvrir les yeux. Elle reprend connaissance. Cela fait trois jours qu’elle était dans un pseudo coma, on attendait de savoir si la commotion cérébrale avait causé un œdème. Maintenant qu’elle est réveillée, on sait qu’elle s’en sortira. Mais dans quel état ? Elle essaie de parler. Impossible. Une douleur lui traverse la moitié du visage. Elle cherche à comprendre, se relever trop vite, toucher son visage. C’est là qu’elle voit, elle voit ses mains bandées… Elle ne peut pas toucher son visage. Le monitoring s’affole, il inquiète car une personne vient à sa rencontre. Elle regarde le jeune homme, plus jeune qu’elle. Il n’est quand même pas mon médecin pense-t-elle ? Pourtant c’est le jeune homme qui lui a sauvé la vie. Gabriel l’a confié à un poste de secours des Springs et c’est lui qui a pris les opérations en main. Elle le voit ressortir, elle n’entend pas vraiment ce qu’il dit, la nervosité lui crée un fort acouphène. Elle voudrait le rappeler pour en savoir plus mais il est parti. Il ne tarde pas à revenir, cette fois il y a son père, sa mère et Gabriel. Tous semblent épuisés, inquiets. Est-ce elle qui les met dans cet état ? Que s’est-il passé ? Sa mère attrape sa main, enfin son avant-bras, une partie qui n’est pas brûlée, pas bandée. Elle sent le contact, les doigts de celle lui l’a mise au monde la caresse tendrement. Son cœur ralentit. L’acouphène diminue jusqu’à disparaitre. Son père embrasse son front, remet ses cheveux en arrière. Gabriel la regarde juste… Il semblerait qu’il ne sache plus quoi dire. D’habitude, il n’a pas vraiment sa langue dans sa poche. Alors son père commence le récit.
« - Les révoltes ont été plus violentes. » Il lance un regard à Gabriel, il se base du son récit à lui, ses souvenirs sans doute.
« - Tu as voulu défendre Gabriel. Tu t’es interposée entre lui et un soldat. » Il marque une pause.
« - Je suis tellement désolée ma chérie » Sa voix est brisée.
« - Ce fumier t’a lacéré le visage… tes mains ont été brûlées également, ce n’est que superficiel… Ton visage… les médecins ont fait ce qu’ils ont pu… maintenant il faut te laisser du temps pour te remettre… tu as eu une sacrée commotion… » Elle ne peut pas souffrir, pas pour le moment. Elle les regarde tour à tour, elle apprend la frustration, à quel point l’absence de parole est une horreur. Elle ferme les yeux, elle ne veut pas pleurer et elle ne le fera pas. Elle se sent fatiguée. Elle est même épuisée.
« - Repose-toi chérie » Sa mère l’embrasse aussi. Elle n’ouvre pas les yeux non plus, elle veut être seule pour le moment.
31 Octobre Reprendre une vie normale. C’est difficile. Très dur. Elle porte toujours un bandage sur la moitié du visage. Elle a toujours des poings de suture. Elle a peur, peur du résultat. Elle ne veut voir à quoi elle ressemble maintenant. Ce n’est pas le genre de fille qui attache de l’importance au physique, elle n’a jamais été du genre à porter des robes. D’ailleurs elle s’est toujours demandée comment on pouvait se battre avec ce genre d’accoutrement. Peu importe, chacun s’habille comme il veut. Juste pour dire. Il fait beau ce jour-là. Elle sait que c’est un jour important. Elle a 25 ans aujourd’hui, ce n’est pas rien. Elle devrait être en train de le fêter avec Gabriel, trinquer et s’amuser. 25 ans, ça se fête. Pourtant, elle continue d’être dans un lit, le sien, elle est chez ses parents, elle est toujours en convalescence. Les brûlures sont presque guéries mais son visage… c’est une autre affaire. Au fond d’elle, elle sait parfaitement qu’elle gardera toujours une marque, à l’instar de sa mère et sa brûlure au visage. Elle ne pourra plus se regarder dans un miroir sans y voir la haine des covens, la haine des sorciers. Elle ne demande pourtant pas grand-chose, juste des droits. Les Humains ne sont pas des animaux mais les sorciers les traitent comme tels. Immonde. Sa colère rumine depuis plusieurs mois. Presque deux pour être honnête. Elle n’est pas vraiment ressortie, juste pour des balades de santé, aux bras d’un de ses proches. Mais aujourd’hui c’est un jour différent. Elle veut prendre l’air, seule, se retrouver, être la fille avant la révolte de la nuit aux étoiles rouges. Elle veut être celle qu’elle était avant, elle ne veut pas qu’on attarde sur le bandage qui tient toujours la future cicatrice qu’elle aura. Elle entend sa mère qui cuisine en bas. Elle ne mange pas beaucoup. Elle a eu du mal à l’alimenter pendant quelques semaines, son corps a perdu en masse, elle sait qu’elle ne devrait pas se laisser abattre quand elle sera apte à tout reprendre. L’odeur est alléchante, elle n’a pas les moyens de cuisiner un grand plat, mais un pouding avec les restes, l’un des plats préférés de Mairead. Sans doute ce qui sera son gâteau d’anniversaire. Elle sourit dans son lit, elle s’étire aussi. Elle se sent toujours fatiguée, elle est sous antalgiques, ils sont forts et la font dormir mais au moins, elle ne souffre pas.
Elle prend deux cachets qui se trouvent sur sa table de nuit. Elle les avale avec un verre d’eau. Elle est en chemise de nuit, elle n’a pas spécialement envie de s’habiller, elle veut juste s’éloigner et aller prendre l’air. Elle n’en a pas pour longtemps. Elle sera de retour pour le repas, elle se le promet. Elle file en douce, elle ne veut pas inquiéter sa mère. Elle sourit deux secondes quand elle la regarde faire la cuisine. Elle est belle, toujours belle même avec une partie du corps marquée, elles se ressembleront davantage.
Elle quitte la petite maison de Staten Island ou elle a grandi. Ou elle est née. Elle respire l’air frais. Octobre laisse place à Novembre et les températures chutent. Aujourd’hui il fait exceptionnellement doux. Le soleil vient caresser sa peau. Elle referme son long manteau par-dessus sa chemise de nuit, elle serre les lacets de ses bottines et elle avance, bras croisés sur la poitrine. Elle a l’impression de redécouvrir le monde, qu’il n’est plus comme avant. Elle s’émerveillerait presque et pourtant, ce n’est pas son genre. Elle avance, elle remarque que personne ne la dévisage, les gens ont autres choses à faire. Elle comment à se sentir mieux, bien mieux.
Elle quitte les zones habitées. Elle s’engouffre dans un milieu plus hostile, plus calme, on entend même les oiseaux chanter. Elle sourit encore, qu’est-ce qu’elle aime les entendre. Elle se ballade et comme on aurait pu le prévoir, elle n’a pas de notion du temps. Elle s’installe au bord de la rive, elle regarde l’eau, commence à faire des ricochés. Les cachets lui donnent un coup de mou. Elle a juste envie de fermer les yeux. Alors elle s’allonge sur le goudron presque chaud et elle se laisse bercer par le bruit de l’eau venant tapoter le rivage.
On la réveille brusquement.
« - Mairead, oh tu es là ! On était tous inquiets ! » Son cœur s’accélère. Elle se redresse d’un coup, un mal de tête survient, il est violent. Elle grimace et fait face à la personne qui la cherchait. Sa voisine. Elle lui sourit.
« - Mairead, ils sont venus, ils ont arrêté tes parents. Ton père notamment. Certains ont voulu le défendre, ils ont tous été emmenés… ils sont sur Manhattan. » Le cerveau de Mairead se remet en route, elle tente de comprendre, qui, quoi, comment ?
« - Qu…Quoi ? Mais pourquoi ? » La voisine va lui livrer alors des informations, ce qu’elle pense savoir.
« - Ce n’était pas des soldats de l’automnes, ils venaient de la Day Court… Mairead, ils sont venus juger tes parents pour le meurtre de leur suprême » Elle ne comprend plus rien, qui a tué qui ? Elle n’était pas au courant.
« - QUOI ? Mais… » Elle tente de se souvenir et ça revient brusquement. Elle était cette nuit-là, la diversion. C’était pour commanditer un meurtre alors ?
« - Ils n’ont pas pu faire cela ? Mes parents ne sont pas des meurtriers… » La voisine reprend.
« - Je ne sais pas, mais la Day Court semble le penser. Ils ont été arrêtés en fin de matinée… » Maisy regarde le ciel, le soleil décline déjà. Elle a été absente si longtemps ?
« - Il y a autre chose… » La jeune rebelle s’attend au pire.
« - Ta mère ne veut pas que tu interviennes, elle me l’a soufflé avant d’être emmenée… et » Mairead se sent mal, elle a envie de vomir… sa tête tourne… ça ne va pas, sortir n’était pas une bonne idée.
« - J’aurais dû être avec eux… » Elle sent la main de sa voisine la maintenir, l’aider.
« - Non, tu te serais faite arrêtée comme eux…tu étais au bon endroit » Pourtant, elle n’en croit pas un mot, elle se tourne pour vomir, il n’y a que de la bile, elle n’a rien dans l’estomac… Son ventre se tord, elle tousse, crache. Elle n’arrive plus à se relever. Sa voisine lui tient les cheveux, lui caresse la tête, l’épaule, entre deux vomissements, Mairead arrive alors à demander.
« - Et Gaby ? » Parce que s’ils ont arrêté Gaby, elle perd tout… Elle sent sa tête tourner, elle résiste pour ne pas tourner de l’œil… elle n’entendra pas la suite. Elle vient de perdre connaissance. Le trou noir l’envahi encore.
Quand elle se réveillera tout aura changé. Elle voit alors son oncle, le frère de son père. Elle fronce les sourcils. Marius n’a jamais été le genre à être au chevet, c’est un soldat rebelle. Il se lève lorsqu’il voit qu’elle ouvre les yeux. Il semble inquiet, triste… en colère. Elle voit la voisine aussi dans un coin de sa chambre. Elle se rappelle alors de ce qu’elle lui a dit. Ses parents… Elle ne sait pas combien de temps elle a dormi… mais il semblerait que la nuit soit bien avancée. Les choses se bousculent… elle le sent, il s’est passé quelque chose.
« - Dîtes-le moi » Elle s’attend tellement à entendre la vérité, elle ne sera pas surprise.
« - Je suis désolé… c’était un procès clandestin, la plupart des rebelles ont été condamnés à mort pour avoir tué un Suprême… Ton père a été l’un des premiers… nos indiques nous ont dit qu’il a voulu s’excuser, s’expliquer… et qu’il y a eu une explosion… Personne n’est sûr de ce qui s’est passé… on sait juste que l’explosion a tué du monde… » Son oncle ressemble à son père, en plus jeune. Il s’accroupie au niveau de Mairead. Elle ne pleure pas. Elle a toujours ce bandage sur le visage.
« - On les vengera, je te le promets ! » Elle ferme les yeux, cette fois, les larmes coulent, elles montent et s’échappent. Elle laisse faire ses émotions. Elle en a besoin. Son cœur est meurtri.
« - Il y a autre chose » Ajoute la voisine. L’amie de sa mère.
« - Notre indique nous a dit qu’il te croyait morte. » Son regard glisse jusqu’à elle, elle attend l’explication.
« - On n’est encore sûr de rien, tout est si récent Mairead, mais il semblerait qu’il y ait eu une erreur. Ils sont persuadés d’avoir éliminé la fille Rosenberg. Seulement ce n’est pas toi qui est morte… » Mairead comprend. Elle tente de se redresser. Son oncle cale un oreiller dans son dos.
« - Donc je suis officiellement morte pour les sorciers » Ce qui sous entends presque une bonne nouvelle. Elle retrouve le regard de son oncle, elle arrive à esquisser un petit sourire.
« - Ils paieront » Janvier Elle a vécu cachée assez longtemps. Elle peut sortir et elle peut commencer à mettre en route le plan qu’elle a. Elle vengera ses parents. Elle veut le faire elle-même. Elle veut le faire tomber. Les sorciers ne respectent rien, ils se pensent supérieurs. Sa haine pour eux ne fait que grandir. Elle veut les voir tomber. Elle veut les voir sur le même piédestal que les Humains, à égalité. Juste pour qu’ils comprennent de leur erreur. Alors Mairead Rosenberg dans leur registre est morte. Elle n’existe plus. Elle s’est trouvée une nouvelle identité. Les faussaires lui ont fait des papiers. Elle s’appelle Margaux Rosen. Elle est la fille au visage marqué, elle est l’un des symboles de la rébellion de l’autre côté. Cette fille-là va alors infiltrer le coven dirigeant. La Night Court. Se faire embaucher comme domestique n’a pas été trop difficile, avec son visage marqué le sorcier qui lui a fait passer l’entretient avait du mal à la regarder dans les yeux. Elle, elle en a profité. C’est un loup de la bergerie. Au-delà d’avoir des tickets de rationnement, elle arrive toujours à chaparder, pour ceux qui ont besoin dans Staten Island. Elle se débrouille pour ramener des vêtements pour les orphelins et parfois un peu de nourriture. Elle est douée mais surtout, elle est motivée par la colère. Elle porte son bandeau rouge sur le visage et elle avance dans la rue sans regarder en arrière, elle n’est qu’un fantôme après tout.
Mars La rencontre. Elle a commencé par des rêves. Perturbant. Relativement forts. Cauchemars ou rêves idylliques. Une voix lui parlait. Mairead était toujours au même endroit. Cet endroit où elle s’est endormi quand ses parents ont été arrêtés, cet endroit où elle va se recueillir en regardant Manhattan en face d’elle. Les rêves ont duré plusieurs semaines. Elle pensait que c’était le choc, tout ce qu’elle avait vécu, la mort de ses parents, la perte de Gaby. Le vide qui régnait en elle était sans fond. Elle ne pouvait compter que sur la voisine, l’amie de ses parents, cette femme qui l’a soutenu sans jamais la lâcher. Et puis bien sûr elle pouvait compter sur son oncle. Cet homme ressemblant bien trop à son père… La mort de ses parents à fait réagir le milieu rebelle, une colère de plus, une chose de plus à leur faire payer. Mairead était devenu l’étincelle, le visage de cette guerre, de ce que tout le monde a perdu. Pas que ce rôle l’enchante mais elle l’a accepté pour la cause, parce qu’elle voyait combien tous en avait besoin. Ils avaient perdu leur chef après tout.
Voilà, les cauchemars ont commencé, les rêves l’ont perturbé. Plusieurs mois… Jusqu’à ce qu’elle se décide d’y croire. Les Red Thieves… ses humains portant une pierre magique. On dit que son père était le premier, que l’explosion qui a été recensé au procès clandestin venait de lui… on dit tant de chose. Pourtant les pierres sont bien réelles et Mairead a trouvé la sienne. Elle est allée sur la rive en plein milieu de la nuit. Il faisait un froid de loup, le mois de mars est toujours humide et froid. Elle était gelée jusqu’au os. Pourtant, une conviction est née en elle, elle a cherché, elle a trouvé. Elle était là, près de l’arbre qui borde la rive. Dans le creux d’une racine, elle a noirci ses mains de terre et ses ongles ont heurté la dureté de la pierre. Elle est belle. Des reflets verts-bleus... Non sans rappeler la couleur de ses yeux à elle. La Labradorite. Elle est dure, froide mais rapidement dans sa main, elle prend de la chaleur, de l’énergie. Et c’est à ce moment-là qu’elle a changé.
Elle ne pouvait pas en parler, pas tout de suite, elle était un peu effrayée par sa découverte, elle a eu peur du rejet. Certains rebelles, ne voient pas les pierres d’un bon œil, même elle, elle est partagée sur leur utilité. Elle a appris à la maîtriser. Il lui a fallu plusieurs mois encore, l’apprentissage ne pouvait se faire que la nuit à l’abri des regards. Puis il a fallu qu’elle se confit. Autrement fois Gabriel aurait été le premier au courant, seulement il n’est plus là, loin, absent, elle l’a perdu. Elle l’a montré à son oncle. Lui n’y voyant aucun problème, lui a quand même conseillé de la porter cacher, car des humains porteurs de gemmes disparaissent mystérieusement… d’autres rebelles n’aiment pas la magie… telle qu’elle soit. Alors elle l’a monté sur un collier, le pendentif tombe au creux de sa poitrine, entre ses deux seins et personne ne peut la voir. Une chose est sûre, lorsqu’une autre rébellion surviendra, elle sera un bouclier. Elle n’aura pas peur d’être en première ligne de tire.