Through diamond eyes - Kai

Oh, comme il est beau, le Jour. Lueur dorée qui aime danser le long d'un marbre parfait. Ainsi est la vie, et personne ne doute qu'elle continuera le long de cette magnifique route. C'est une perfection à laquelle Dashiell est habitué, une simplicité aussi pure que la violence qui habite le fond de son cœur. L'évidence de son existence, le doux murmure que cette brise révolte appose au coin de son esprit. Alors oui, lorsque ses pas l'emportent loin des détails resplendissants, quelque chose semble malséant. Un simple hochement de tête, voilà ce qui lui suffit souvent. Un sourire poli et le voilà perdu dans des dédales qui, si différents de ce à quoi il est habitué, ne lui sont pourtant pas étrangers. Labyrinthe macabre au sein duquel il vagabonde souvent à la recherche d'une âme sombre qui se doit de continuer son règne de terreur. Mais ce n'est pas ce qui le pousse alors. Si son titre d'avocat lui permet d'y pénétrer, c'est un désir vengeur qui fait qu'il force sa respiration à maintenir un calme qui se prend à lui échapper. Un pas après l’autre, chacun claque avec cette précision qui lui est propre, comme si l’astre solaire se doit de contrôler même le rythme de ses mouvements tranchants. Ici et là, la lueur du jour se faufile entre ces vieux vitraux qui ont un jour fait partie d’un culte païen que la vermine tente de maintenir. Il en rit parfois, de ces croyances ridicules qui ne possèdent aucune fondation, aucune raison. Malgré tout, c’est grâce à cette faible religion que les sombres dédales sont parsemés de la lumière qu’il apprécie tant. Elle trouve son visage, y dépose une douce chaleur, l’aveugle presque jusqu’à ce que sa marche le pousse à retourner vers le néant. Un néant qui, enfin, le mène jusque-là ou il désire se trouver.

Ezekiel.

Il n’a pas voulu le voir, Dashiell, de longues années durant. Rappel violent de ce qui serait capable de détruire cette réputation qu’il est parvenu à se construire. Pire encore, il est le survivant, trace douloureuse de l’un de ses plus grands échecs. Oh, il aurait dû s’en défaire. Oh, il aurait aimé le voir disparaitre, rejoindre le corps froid de celle qu’il a pensé digne du titre de mère. Mais, encore une fois, c’est son père qui l’a fait sombrer, incapable de mettre la main sur un gamin qui est parvenu à lui mentir de longues années durant. Il ne la supporte plus, le Soleil, cette ombre qui continue d’éteindre sa lumière. Un père incapable de se faire une place de droit, incapable de se débarrasser de ce qui se tient sur son chemin. Maintenant qu’il n’est plus un enfant, le temps est venu pour le Shuren de s’élever plus haut que son paternel n’aurait jamais plus. Il le surpasse, et il le sait. Alors le voila qui plonge son regard dans celui qui, malgré tout, est si semblable au sien. C’est de ses mains que le traitre se trouve ici, il en est certain. C’est de ses mains qu’il se doit de périr. Mais les barreaux qui l’enferment l’en empêchent. Pour le moment. C’est presque s’il est tenté de le faire sortir, juste afin qu’il puisse en finir une fois pour toute. Mais Svetlana a refusé. The night desserves to rot.

« I would enquire as to how prison is treating you, though this would require me caring. » Son sourire est carnassier, alors que l’or qui occupe sa peau se prend à briller sous la lueur d’un vitrail non loin. Il est clair qu’il est celui qui possède le contrôle, que c’est le Jour qui surpasse la Nuit. Et le ressenti est presque euphorique. Après tout ce qui s’est abattu sur son être les quelques mois passés, c’est un moment dont il se délecte avec plaisir. Il ne peut rejoindre ses Étoiles, pas encore, et cela lui brise le cœur. Alors cette Lune devra faire l’affaire, l’occuper un moment jusqu’à ce qu’il parvienne à retrouver ce qu’il désire tant. « Did you really think a handful of you could take over a crowd full of us? » Ses doigts fins s’emparent d’une cigarette qu’il allume en silence. La fumée danse autour de lui, semble s’accrocher a chacun de ses gestes. « I am aware we had to get rid of you, though I would have thought father’s teachings were not to be in vain. What a shame it is you have ended up as foolish as your mother. »

Il n’est pas très beau à voir dans sa cellule Kai. Avec son costume déchiré et les bleus qui fleurissent sur son épiderme, une simple œillade suffit pour comprendre que sa soirée ne s’est pas déroulée comme escompté. Cette pensée lui arrache un sourire chargé d’ironie, nul doute que ce fut le cas de nombreux new-yorkais ce soir. Lui au moins peut se targuer d’avoir causé plus de dégâts qu’il n’en a essuyé malgré ce que laissent penser les apparences. Alors non, vraiment, il ne s’émeut pas de croupir dans une prison. Au contraire, ce petit interlude lui permet de mettre de l’ordre dans ses pensées, de se délecter du calme. Il ne se réjouit pas vraiment à la perspective de retrouver les siens et devoir expliquer ce qu’il lui a pris. Difficile en effet de mettre des mots sur ce qu’on peine à comprendre soi-même. Quelque chose de sombre a pris le dessus, comme s’il n’avait plus été lui-même ou au contraire, c’était finalement trouvé. Alors il envoie valser ses tracas le sorcier, pour ne plus y penser, pour éviter de se torturer, pour ne pas s’attarder sur les émotions contradictoires qui manquent de lui serrer la gorge. Il aurait voulu voir le quartier brûler Kai, se foutant bien des dommages collatéraux, ne serait-ce que pour ressentir une once de soulagement, comme si cet acte aurait pu faire office de justice pour tout ce qu’il avait été forcé d’endurer à l’Upper East Side toute une enfance durant. De cette colère éphémère ne subsiste désormais qu’une sensation de vide. Alors Kai attend, patiemment, qu’on vienne le délivrer ou que la jauge de sa haine ne trouve un moyen de se remplir encore au point de déborder.

Les heures passent, quand le sommeil ne le cueille pas, c’est le mur qu’il observe d’un air hagard. Il n’a pas touché au plateau qu’on lui a apporté, l’a même renvoyé au gardien avec désintérêt juste pour s’occuper l’espace d’un instant. Et c’est quand l’ennui menace enfin de l’avaler tout entier que la porte au fond du couloir grince. Oreille tendue, il ouvre un œil avec paresse lorsque les pas s’arrêtent devant sa cellule. Son premier réflexe est d’étouffer un rire moqueur. Il aurait aimé être surpris Aelan mais il connait trop bien son petit frère pour ne pas s’y être préparé. Il savait qu’il n’allait certainement pas manquer une occasion de venir parader sous son nez dans l’illusion d’une quelconque supériorité. Alors il se redresse avec lenteur, laissant tout loisir à Dashiell de se délecter de son apparente défaite. « How thoughtful of you to come pay a visit to your big brother. I’m moved, really. » Il pose une main aux phalanges déchirées sur son coeur aux battements saccadés. Ce n’est pas la peur qui marque la cadence mais bel et bien l’anticipation de ce que cette rencontre finira par engendrer. « I would enquire as to how prison is treating you, though this would require me caring. » Il en faut plus pour le départir de son rictus amusé et c’est pourquoi il se contente d’hocher la tête d’un air entendu. Si son frère est avide de lumière pour mieux souligner l’opulence de sa toilette, c’est dans l’ombre que l’ainé se coule pour mieux accentuer l’aura de défi qui brille désormais dans ses prunelles sombres.

« Did you really think a handful of you could take over a crowd full of us? » L’intéressé se contente simplement de lever les yeux au ciel. Encore une fois, tout ce que Dashiell savait faire à son encontre était le sous-estimer. Certes, il avait profité du chaos pour l’alimenter un peu plus en guise de représailles mais l’issue avait été prévisible. Contrairement à son frère, il se foutait bien de sa réputation alors un petit séjour en prison n’était qu’une conséquence quelque peu désagréable d’un mal nécessaire. « I am aware we had to get rid of you, though I would have thought father’s teachings were not to be in vain. What a shame it is you have ended up as foolish as your mother. » À la mention de sa mère, il ne peut s’empêcher de se tendre malgré lui. Exactement ce que l’autre souhaitait, sachant parfaitement sur quelle corde tirer. Pourtant, de sa bouche, l’insulte n’en est pas une car la plus grande crainte de Kai avait toujours été de finir par ressembler aux Shuren. « I’m sorry to disappoint but I take it as a compliment coming from you Golden Boy. » Se contente-t-il de répondre d’une voix lasse avant d’enchainer avec un brin de malice. « If you expect me to actually get mad, you’ll have to be more creative than that. » S’adossant au mur froid de la pièce, il passe une jambe nonchalante par-dessus celle dont le tissu a été le plus malmené. Si d’autres auraient été ennuyés de se retrouver en si mauvaise posture face à un adversaire, Kai en est au contraire plutôt amusé. Il n’a rien de royal et pourtant, dans l’obscurité on pourrait s’y tromper à en juger par l’air qu’il affiche en présence de son frère. « I can’t help but notice how convenient it is that you come for me when I’m in no position to properly retaliate. Are you scared of what I could actually do to you if those bars were not here to stop me Dashiell ? I mean… I always knew you were a coward deep down but coming here to taunt me just seems a tiny bit beneath you. I wonder what your father would think of that. I don’t recall gloating being in his lessons but in truth I never really paid much attention to what he had to say anyway… » Mensonges ou vérités, peut-être un peu des deux, la frontière était toujours mince quand Kai se retrouvait entre quatre yeux avec son frère. Une chose était sûre néanmoins, ils avaient toujours été deux à se complaire dans les joutes verbales. Un terrain d’entente dont ils avaient fait leur spécialité, chacun de son côté, pour mieux pour s’opposer chaque fois que l’occasion venait à se présenter.

A ne pas les connaitre, il serait impossible de les penser frères. Peut-être parce que, quelque part, ils ne l’ont jamais vraiment été. Dashiell se rapproche à un astre solaire sans défaut, supérieur à la vermine du sorcier qui se tient devant lui. Mais Dashiell, peu importe ce qu’il tente de prétendre, est encore un enfant. Un enfant égoïste, narcissique, avec de ces sentiments de grandeur que peu d’autres possèdent. Au travers de son regard, il est le dieu face au mortel. Pour des observateurs lointains, voilà peut-être ce qui paraitrait ; le Soleil et sa droiture sans faute, la Lune et sa condition. Mais tous seraient erronés. Même Ezekiel et cette pointe de narcissisme qu’il n’a malgré lui pas pu s’empêcher de voler au paternel Shuren se trompe en se pensant dans une position de contrôle.

La vérité est toute autre.

Là, l’un face à l’autre, les frères brisés sont les rois de leur propre monde. Dashiell maintient cette droiture avec aise, mais plus encore. Sans même s’en rendre compte, il se pose devant la lumière, partage avec elle un jeu dangereux dont aucun ne connait l’issue. Il est le joyau du jour, s’est imbu de tout ce qui ferait de lui un sorcier digne de la court. En face de lui se trouve un homme qui, à ses yeux, semble brisé, sombré. Mais Ezekiel est devenu aux étoiles ce qu’il est au soleil. Celui qu’il ne peut appeler frère se délecte du néant dans lequel il danse au rythme d’une musique silencieuse. L’un comme l’autre au sommet d’un univers qui est le leur. Jamais Dashiell ne pourra égaler Ezekiel au sein des ombres. Jamais Ezekiel ne pourra briller plus que Dashiell dans un bain de lumière.

Mais cela, le Soleil ne le reconnaitra jamais. Il se sait supérieur. Il se sait grand. Il se pense intouchable.

« How thoughtful of you to come pay a visit to your big brother. I’m moved, really. » Il ne réagit pas et ce malgré le fait qu’il ne supporte pas de se penser frère avec cet homme. Un sentiment enfantin sans autre fond que les mots d’un père à la main de fer qui est devenu une haine tangible, la représentation même de chacun des échecs qui se mettent sur le chemin du sorcier. Mais cela ne l’éloigne pas du moment présent, il continue, laisse son venin couler d’entre ses lèvres. Dans un geste presque miroir qu’il ne reconnait pas, sa propre main se porte à sa poitrine, y essuie une poussière qui, sous la lueur qui se faufile jusqu’à lui, semble presque faite d’or. Ses doigts délicats, entourés de bagues à la beauté sans pareille, finissent par s’enfoncer dans les poches de son pantalon à la blancheur marmoréenne.

« I’m sorry to disappoint but I take it as a compliment coming from you Golden Boy. » Il sourit à son tour, répondant comme dans un réflexe qu’il ne contrôle pas lui-même. « Perhaps you should inform your face of such a thing. » S’il y a bien une chose que Dashiell a appris à maitriser depuis qu’ils se sont perdus de vue, c’est la reconnaissance de ces moments de cassure, ces expressions qui annonce que le but est proche. Sous l’aile de Svetlana, il devient un avocat dont les juges se souviennent, dont le talent se fait reconnaitre. « If you expect me to actually get mad, you’ll have to be more creative than that. » « Do not tempt me, Ezekiel, you know I have always been keen on a challenge. » Il est d’humeur joueuse, le Shuren. Le genre de jeu qu’il calme au sein d’un tribunal. Le genre de jeu qui part à la recherche d’un sang à faire couler. « I can’t help but notice how convenient it is that you come for me when I’m in no position to properly retaliate. Are you scared of what I could actually do to you if those bars were not here to stop me Dashiell ? » C’est presque si son visage s’illumine, presque si la lumière s’en empare pour ne plus jamais le laisser partir. Il se prend à y penser, le sorcier, lequel des deux sortirait vainqueur. Les possibilités sont infinies, les issues imprévisibles. Et pourtant. Pourtant les choses ont changé pour le Soleil. En raison de Zélie. En raison de Caïn. En raison de ceux qu’il aime plus qu’il ne s’aime lui-même, eux qui se sont laissés prendre dans les filets d’une Lune qui ne se devrait pas d’être. Lui qui a toujours rêvé de le voir sombrer, pourrait-il le tuer désormais ? Who knows… « I mean… I always knew you were a coward deep down but coming here to taunt me just seems a tiny bit beneath you. » Il ne peut retenir un léger lever de menton, Dashiell. Comme si sa fierté le pousse à se défendre. Mais il ne dit rien. « I wonder what your father would think of that. I don’t recall gloating being in his lessons but in truth I never really paid much attention to what he had to say anyway… »

Ses jambes le rapprochent des barreaux. Un pas, voilà tout ce qui suffit afin de faire disparaitre la lumière de son visage. C’est un air presque meurtrier que cela lui offre, la lueur s’écrasant sur l’arrière de son crâne. « This may come as a surprise to you, Ezekiel, but there are manier things father has not taught me. » Plus encore, il ne le supporte plus, ce père qui a un jour été un exemple à suivre. Mais il n’offrirait jamais une telle munition à l’ennemi, alors il ne s’y attarde pas. « I have come to clear my mind, to be entertained, not to enrage you. » Un léger rire s’échappe d’entre ses lèvres. « Though you must admit it would be quite the entertainment. » Sa tête tombe lentement sur le côté, laissant quelques rayons solaires trouver les barreaux miteux, illuminant les pieds de la Lune. « However, we both know your rage is too easy to obtain, what would be the fun in that? » Lequel des deux frères est le plus sanguin ? Cela est difficile à dire, même si le sang du Soleil coule chaud, explose avec une aise déconcertante. « A few tales of this woman you have so long idolised often suffice. » Sa tête se redresse comme si une certaine réalisation vient de naitre dans le fond de son esprit. « Though I believe you lack a vital detail of my favourite one. What a shame… » qu’il laisse couler, la voix mielleuse, le regard planté dans celui qui, dans un autre monde, l’aurait complété à la perfection.