a thousand lights.

Les coups ne cessent pas ; peu importe le lieu, ils savent toujours faire place au combat. Les descendants Maerynn sont tous destinés à suivre un entraînement de guerrier, un entraînement sans relâche qui les pousse à rejoindre les rangs de l’armée. Pouvant être comparés à des pions, ils obéissent aveuglément et suivent l’ordre sans se soucier de l’opinion qu’on se fait d’eux. À l’image du coven, c’est une famille stricte où l’éducation est prise au sérieux, où la faiblesse n’est pas tolérée et la médiocrité à bannir. Faisant partie de l’élite depuis des générations, si beaucoup se plaisent à être de simples soldats, d’autres ont longtemps participé à l’élaboration de stratégies, veillé sur la sécurité du coven et des familles importantes. Un tempérament de feu, la plupart préfère agir que réfléchir. Un même état d’esprit les unit tous ; faire avancer les choses.

C’est dans ce cadre si particuliers qu’a grandit la jeune fille, des parents strictes et autoritaires qui ne la laissait jamais souffler. Avec eux, tout signe de faiblesse ou d’abandon était sanctionné. C’est à se demander si la fatigue et l’épuisement sont des choses qui leurs sont totalement inconnues. En plus de cette exigence certaine, ni l’un ni l’autre ne cachait ce désarroi d’accueillir une petite fille au sein de cette fratrie exclusivement masculine. Ils voyaient déjà du potentiel dans le regard de ces quatre garçons, mais en elle, ils n’y voyaient que du doute et des questions.

À chaque fois qu’elle tombait, elle devait immédiatement se relever. À chaque défaite, elle devait s’entraîner d’avantage pour triompher. Et bien sûr, si on la surprenait à d’autres passe-temps, ils s’arrangeaient pour la remettre sur le droit chemin. La guerre a beau être passée depuis des siècles, rien ne pouvait calmer cet acharnement obsessionnel que partageaient l’homme et la femme. C’est comme si, le temps était compté ; comme s’il n’avait pas le temps de se reposer, qu’il fallait se préparer pour la prochaine guerre.

Des bêtises, rien de plus, que pensait la jeune fille. À force, elle ne savait plus sur quel pied danser. Elle passa une longue partie de son enfance à se perdre entre ce désir de rendre fiers ses parents, de suivre leurs pas mais aussi cet appel à la rébellion qui la charmait de plus en plus. Eux aussi, ne savaient plus où donner de la tête face à ces deux facettes.

Enfant désireuse d’en savoir toujours un peu plus, elle avait pris pour habitude de s’entraîner loin des regards. Après les leçons de magie à l’école et les cours de défense imposés par son coven, la petite se rendait dans un entrepôt abandonné depuis des années afin d’exploiter son don. Elle avait déjà vu ses frères le faire. Son père lui, semblait maîtriser le feu à la perfection. C’est toujours l’image de ce dernier qu’elle avait en tête alors qu’elle cherchait à s’exercer. Elle cherchait tant à lui ressembler, à devenir aussi puissante. Mais ce ne fut pas chose facile. Les premières fois, elle n’arrivait à rien si ce n’est augmenter la température de ses paumes. Parfois des étincelles cherchaient à se créer sans jamais devenir de véritables flammes. Puis un jour, elle réussit à créer sa première flamme ; elle avait l’apparence d’un tout petit corbeau qui ne savait comment prendre son envol. Il finit alors par s’échouer sur sa main avant de disparaître, provoquant ainsi brûlure et traumatisme au passage. Depuis ce jour, elle décida de ne pas retenter quoique ce soit, s’en tenant à ses livres scolaires.

Les années passent et les entraînements s’enchaînent, la violence est un vice auquel elle ne résiste plus. Pouvant y déverser toute sa frustration accrue à l’adolescence, elle se laisse aller, acceptant finalement cette particularité propre à son coven. Des gens fous, qu’elle se disait parfois. Mais au sein de l’Automne, sa famille lui paraissait si normale. Tout comme le feu, elle était tantôt calme, tantôt incontrôlable, ayant même du mal à se mêler aux autres. Nombreuses étaient les fois où elle se bagarrait avec ses camarades. Ceci continua même lorsqu’elle poursuivit ses études à Astoria. Tant de covens mélangés, il était difficile pour elle de s’adapter. Et si chez l’automne, les bagarres pouvaient être considérées comme de simples chamailleries ou comme une autre façon de se mettre d’accord, il n’en était rien à Astoria. Collectionnant malgré elle les avertissements, ses parents étaient loin d’approuver ce comportement.
Mais peut-être, qu’elle aussi n’approuvait pas le leur.

Entre temps, elle s’était donnée une seconde chance, cherchant à renouer avec son don. Elle s’entraînait avec ses frères, jamais seule, toujours encouragée par ces jeunes hommes dont la vie semblait si facile. Ça l’avait motivé de voir son père arrêter un voleur humain qui menaçait d’utiliser  de dangereux objets magiques dérobés. Tout s’était passé si vite et pourtant, la scène lui avait semblé se dérouler au ralentit. L’humain, l’air menaçant, faisant de grands gestes. Son père, droit, d’un calme flagrant. Autour de lui s’était formé un énorme phœnix fait de feu, prêt à tout embrasé sur son passage. L’oiseau avait majestueusement foncé vers l’humain, éliminant ainsi la menace alors que son père semblait ne rien ressentir. Ni peur, ni regret. Pas même de la fierté. Il avait fait son devoir, tout simplement. Ceci éveilla quelque chose en elle. Inspirée par cet héritage familial, elle consacra plusieurs longues années à dompter ces corbeaux qui n’en faisaient qu’à leur tête.

Sans qu’elle ne s’en rende compte, elle était devenue une pale copie de ses semblables. Destinée, elle aussi, à aller sur les champs de bataille. Les études terminées, il lui fallait alors rejoindre l’armée. C’était ce qui était prévu. C’était la voie qu’avait emprunté ses frères, ses parents et ses ancêtres. Mais quelque chose l’en empêcha. Peut-être n’était-elle pas prête à rejoindre l’élite ? Peut-être n’en avait-elle tout simplement pas envie ? Sa vie était déjà toute tracée ; ses études imposées, son choix de carrière aussi et ses parents ne cessaient de la fatiguer avec des histoires de fiançailles. Au fond, cette vie parfaite et prédéfinie ne lui donnait pas envie. Alors, elle n’en fit qu’à sa tête ; rejoignant les rangs de la police. C’était là un doux compromis, elle pouvait exercer le métier qui lui faisait envie et continuer d’exprimer sa loyauté envers le coven. Les seuls à se sentir trahis furent ses parents, mais elle n’était plus une petite fille, elle était capable de faire ses propres choix et surtout, elle osait enfin leur tenir tête.