Vivre démesurément ≌ Zélie

bancalement et des manières les plus douces; peu à peu mais certainement, les choses avaient enfin commencé à s’améliorer. Les nuages se dispersaient et finalement, les rayons de l’optimisme certain avaient éclairé son horizon. —  peut-être qu’il y avait de l’espoir finalement. Qu’au delà de la magie qui crépitait le long de ses doigts, du givre terrifiant qui recouvrait la paume de ses mains; peut-être qu’il avait été en mesure de trouver au coeur de ses bras une chaleur inattendue. Tel le givre qui se déposait sur les pétales de roses, Kallavan, il avait su lire à travers les lignes de son indifférence et franchir son inconsistance pour s’y égarer un peu mieux, y laisser un bout d’elle juste, là, ancré au fond de ses yeux.

Nora qui, avait teinté le monde qu’il parcourait. A chaque détour, dans le coin de chaque sourire, au fond de chaque écho; tous le ramenait à elle et sa douceur mal formulée, elle et le mystère qui l’entourait. C’était fou à quel point il pouvait être optimiste et risible — à s’accrocher vainement à cet espoir aux allures de mirage. A cette énigme-là, dont il ne connaissait presque rien. Elle aussi, elle pouvait possiblement être ce même mensonge, à jouer ce même jeu auquel il s’était brûlé : à lui cacher tout de sa vie; comment pouvait il oser être aussi avide et imprudent à la fois? à désirer l’ouragan sans les amertumes, les folies et les démesures. Il était fou. fou à lier, intrigué par ses charmes qui définitivement le perturbait. Parce qu’elle donnait du sens à ces choses-là qu’il ne comprenait pas; des raisons à ses pourquois. pourquoi s’éprendre et s’intéresser? pourquoi se fatiguer si on finit par s’user?

La porte claque et il s’empresse alors de se relever de la chaise contre laquelle il s’était écroulé avant d’attraper la première feuille de papier à sa portée et la plaquer contre ses yeux en demi-lunes plissés. (parce que quitte à faire semblant d’être noyé sous le travail inexistant, c’était bien mieux que d’être pris en flagrant délit de flemme incontrôlée). « Nora n’est pas là, r’passez plus tard. » Reconnaissant la familière tignasse brune qui venait de traverser son champ de vision, l’humain dut néanmoins se résoudre à user de ses muscles engourdis et se lever pour lui faire face tout en prenant soin d’éviter le contact visuel « Café? Elle reviendra…. d’ici pas trop longtemps. » Traînant des pieds sur le sol trop lavé, il se dirigea vers la commode, se hissant sur la pointe des pieds pour atteindre la cafetière tout en poussant un soupir d’exaspération avant d’ajouter « ouais hein, ici tout se fait manuellement, malheureusement cette pièce est mal pensée pour les humains qui ne savent pas faire voler le sucre en un claquement de doigts »

La Murder Party commence à prendre forme, et cela ne peut que ravir Zélie. En plus de l’occuper, de lui rapporter énormément d’argent également, l’événement fait déjà parler et on lui a déjà fait des propositions exorbitantes pour mettre la main sur une des huit invitations. Sans compter que le thème lui plait et qu’elle est comme une enfant organisant la meilleure soirée pyjama du millénaire. Et il y a encore tellement à faire, tellement à penser qu’elle en aurait presque le tournis. Heureusement, passée maîtresse dans l’art de jongler avec les emplois du temps et les fournisseurs, elle ne perd jamais le nord. Une variable par contre à cette équation parfaitement posée : l’agenda chargé et souvent bougeant de façon aléatoire de Nora. Un élément avec lequel elle a appris à travailler (malgré lequel elle a appris à travailler, devrait-on d’ailleurs dire). Une question d’habitude et d’esprit pratique. Quand elle a besoin de la voir, elle débarque simplement, et attendra le temps qu’il faudra, continuant à travailler sur son téléphone hautement équipé et lui permettant de contacter, de réserver, de dessiner, même pendant ce temps. Et c’est donc avec cette intention qu’elle fait irruption dans le bureau où elle travaille normalement, sans la moindre gêne. Pour se rendre compte qu’il n’est cependant pas vide. « Nora n’est pas là, r’passez plus tard. » Ce n’est cependant qu’arrivée au bureau de son amie sur lequel elle pose son sac qu’elle se retourne pour faire face à l’homme, qui lui propose un café tout en râlant.

Agapé. Le Marcus de Nora, en quelque sorte. Ils n’ont jamais échangé plus de deux mots, en tous cas, aussi loin que remonte sa mémoire. Ce qui est loin de la déranger, prenant place dans le propre siège de la sorcière de l’Hiver, le regardant et répondant du tac au tac : « Ou qui ne portent pas des talons hauts d’une vingtaine de centimètres. » Un sourire franc sur les lèvres, la naïade décide de ne pas relever la maussaderie de la remarque. Mais assez fine pour noter la nuance et passer outre, ne surtout pas lui proposer d’aide. Son expérience avec « le sien » est différente, mais il y a pas mal de choses auxquelles elle fait attention pour éviter de le froisser. Alors ce n’est pas très différent. « Mais ne t’embête pas pour moi, je ne voudrais surtout pas te déranger dans ton travail. » S’il s’agit d’une boutade parce qu’elle a très bien compris qu’il s’est ressaisi à son arrivée ? Qui saurait le dire, sur cette bouille innocente et ce sourire charmant ? Et c’est bien là toute la beauté de la chose. Faisant basculer son sac, elle en sort l’énorme classeur dédié à la soirée en question, qu’elle ouvre, croisant les jambes : « Et j’en ai pas mal aussi, donc je serai occupée jusqu’à ce qu’elle rentre. » Ses yeux cherchent une horloge et en trouvent une, et elle demande, quand même : « Pour me donner une idée, elle avait un rendez-vous ou elle avait « une course » à faire ? » Parce que si elle était partie pour du shopping improvisé … elle pouvait attendre longtemps et lui aussi.

Il y avait quelque chose dans l’air qui l'incommodait alors que la tasse de café se remplissait. Lorsqu’il se tournait pour inspecter “l’amie” de celle qui l’abritait; à cet instant précis où leurs orbres lumineuses se croisaient et que les mots se bousculaient. Peut-être était-ce une sorte de frustration, la réminiscence éternelle d’une amertume contre les sorciers qui n’arrivait toujours pas à se diluer. Parce qu’ils étaient sous cette nouvelle lumière seulement depuis qu’il était un peu mieux habillé, un peu moins sauvage et surtout, protégé. Gardé en sécurité sous la coupe de la magicienne aux doigts gelés. Aurait-il pu connaître de tels privilèges s’il avait été resté le même ? Nora, Nora, aurait-elle osé poser ses yeux sur lui? L’aurait-elle cueilli sous la rosée du matin si ce n’était pas pour sauver sa vie — mais seulement pour l’aimer lui? pour sa fragilité et sa banalité, pour ses mauvaises manies et sa hargne infinie? pouvaient-ils seulement voir l’humain pour ce qu’il était, pour leur égal pour autre chose d’un poids ou qu’un larbin? — il s’en doutait. parce qu’il était sûr de les connaître pour ne plus douter.

Si pendant toutes ces années ils n’avaient rien fait pour s’ouvrir, pour changer les choses ici, c’était bien que tout cela les indifférençaient.  « oh j’ai du “travail” oui. et j’ai probablement d’autres choses à faire que de faire du small talk. » mauvais présage, sa langue claque contre son palais, tandis qu’il lui tend la tasse de café avec un sourire niais. «une course. une de ses fameuses courses “indispensable”  quitte à chambouler son emploi du temps que je lui ai soigneusement organisé » haussant les épaules, il cherche la boite de sucre, la posant devant elle tandis qu’il prend soin de dégager sur le côté une partie des dossiers qui s’étaient éparpillés pour avoir assez de place pour s’asseoir sur la table même (qui pouvait lui dire qu’il n’avait pas le droit d’agir ainsi si la maîtresse des lieux n’était pas là pour le lui rappeler?) « et du coup…. mmmmh Zéla, Zélina, Zé- Zélia c’était pour quoi? » Zélie. Il le savait pertinemment qu’il portait ce prénom qui lui allait à souhait. Qu’elle était l’amie de Nora, l’astre le plus certain, gouvernail à travers les eaux troubles pour qu’elle ne se perde jamais. Elle était douce et probablement bien attentionné, différente de tout ces regards moqueurs qui l’avaient autrefois torturé. Mais il faisait mine de tout ignorer, de décider à son besoin de se vêtir de son manteau de givre et d’indifférence incontrôlée. à mimer que personne et surtout pas eux ne n’importait. (qu’aucun prénom ne nécessitait d’être retenu) parce qu’il était bien supérieur au point de pouvoir les ignorer. Qu’il était heureux sans personne, sans même la moindre personne à ses côtés.

« oh j’ai du “travail” oui. et j’ai probablement d’autres choses à faire que de faire du small talk. » Pas surprise, clairement, la demoiselle n’en perd donc pas le sourire. Les humains ont tendance à réagir de la sorte. Généralement il y a Marcus pour les reprendre, et elle pour dire que ce n’est pas nécessaire. Mais pas cette fois. Et elle laisse filer, indifférente à cette agressivité. Si Nora lui fait confiance et s’est attachée à lui, c’est qu’il est autre chose que cette froideur empreinte d’agressivité. Un peu le reflet de son employeuse, ce qui rend la particularité attachante, quelque part. Mais ne pas parler ne la dérange pas, comme elle l’a dit, elle a également du travail. C’est avec grâce et un « Merci » qu’elle prend la tasse de café, offerte, de mauvaise grâce peut-être, mais offerte tout de même, alors qu’il continue, confirmant ses soupçons. Un coup de tête de son amie, qui va sans doute la retarder elle-même de quelques rendez-vous dans son emploi du temps terriblement chargé. « Evidemment. Je te souhaite bien du courage pour reprogrammer tout ce qui aura été ignoré. » Ce n’est pas parce qu’il est impoli qu’elle se doit de l’être même si, et vous pouvez la croire, elle n’est pas le genre à se laisser faire et il n’a plutôt pas intérêt à dépasser certaines limites. Cependant, la jeune femme pense sincèrement qu’il essaye simplement de « marquer son territoire » et n’ira pas plus loin. Ce n’est dans l’intérêt ni de l’un, ni de l’autre.

Et c’est même avec un grand sourire qu’elle le reprend sur son prénom, même si elle se doute bien qu’il le connaît, en réalité : « Zélie. Et c’est pour la Murder Party que nous organisons, je suppose que tu es au courant. » Manœuvre subtile ? Oh, en effet. Pour lui dire qu’elle est au courant de sa position et de son importance, ce qu’elle respecte. « Je devais obtenir d’elle des plans précis de l’étage qu’elle compte réserver au jeu, pour travailler dessus avant de les transmettre à mon décorateur, qui risque d’avoir besoin de tout le temps possible pour réaliser le décor gréco-romain que nous avons imaginé. » Des informations précises, comme tout ce qui concerne l’organisation d’événements avec elle. Se saisissant du sucre, elle en dépose deux dans son café avant d’en prendre une longue gorgée. En prenant son temps, elle relève les yeux vers lui, toujours avec son air le plus innocent en réserve : « J’ai de quoi m’occuper en attendant … mais peut-être peux-tu m’aider ? Que ce soit sur ce sujet ou sur d’autres, il y a encore tellement de détails à régler. » Mi-femme d’affaire, mi-enfant innocente, essayant en tous cas de tirer le meilleur parti de la situation. En apprivoisant l’homme en face d’elle, au passage.