la haine dans les veines (eevi)

Il n'avait jamais été question d'être, mais bien de paraitre. La place n'était pas à l'épanouissement mais aux apparences. Avoir l'air unis, avoir l'air forts, avoir l'air d'une famille parfaite. Toujours. A jamais. Quelques soient les circonstances. Quelle que soit la fatigue. Quelles que soient les tensions. Le plus importants était d'avoir l'air soudé, ensemble contre le monde alors même que leur monde s'effondrait. Alors même qu'ils se haïssait. Qu'ils se méprisaient.

Les parents Holst n'avaient jamais laissé d'autres chemins envisageables pour leurs enfants, mais ils n'étaient pourtant pas de si mauvais parents. Les marques d'affections étaient anecdotiques, mais ils veillaient sur leur descendance. Toujours. Protéger sa famille, même si cela demandait des sacrifices, était l'une de leur principale mission. Leur façon à eux, un peu particulière, de leur montrer une sorte d'amour distant..


Heureusement, Eevi n'avait pas que ses parents. Elle avait aussi son frère aîné et sa soeur jumelle. Elles n'étaient pas de vraies jumelles, mais Silja était aussi blonde qu'elle. Et elles avaient toutes les deux des yeux plus bleus que le ciel. Elles étaient proches, ne se quittant jamais bien longtemps. Elles le savaient, elles se l'étaient promis : elles seraient toujours là l'une pour l'autre, quelque soit les circonstances, qu'importe le reste. Leur grand frère avait toujours été protecteur envers ses deux petites soeurs et, à défaut d'avoir des parents aimant, à eux trois, ils étaient une famille, une vraie.


Jusqu'au jour où. Jusqu'au jour où Silja a montré son don pour la première fois : un feu ardent avait prit possession de ses mains alors qu'elle se disputait avec leur mère. Chacun avait eu le souffle coupé, les yeux écarquillés. Les esprits avaient du mal à enregistrer l'information, à comprendre. « Non.. » Leur mère ne put en dire plus, elle n'osait pas. « Une.. Tu es une déviante.. » Le couperet tombe. Père pose un mot sur l'évidence. Sur l'horreur. Déviante. Eevi se lève, se précipite sur sa soeur dont la stupeur avait stoppé les flammes. Elle n'avait pas l'air de comprendre, pas l'air de réaliser. « T'inquiète pas, ça va aller, on va arranger ça.. » Elle prend sa moitié dans ses bras tremblants. « Non. On ne peut pas arranger ça. C'est une déviante. » Leur mère crache ces mots comme des lames assassines. « Ce n'est pas quelque chose qui s'arrange. C'est quelque chose qui s'éradique. » L'horreur de ce que sous-entend la mère choque la fratrie, mais le père enchaîne. « Oui, il faut régler ça. » Eevi ne comprend pas. Pas tout de suite. Il lui faut quelques secondes. « Vous n'allez pas la faire tuer ! » Sa mère soupire. Son père répond calmement, comme si la situation n'était pas plus complexe que de choisir le menu du lendemain. « Nous allons la faire exiler. »

Leur parents se servirent alors du rituel du Lost Spirit et la firent passer pour folle, indigne de pratiquer la magie. Elle fut envoyée chez les wicked, sa mémoire magique effacée.

Un soir, alors qu'Eevi pleurait toutes les larmes de son corps suite à sa moitié arrachée, sa mère passa la porte avec véhémence. « Arrête un peu de pleurer. Ton monstre de soeur aurait dû être tuée. C'est un sort clément que nous lui avons offert. » Elle tourne ensuite des talons, laissant son enfant dans la souffrance sans plus de difficultés.


A partir de ce moment, Eevi comprit quelque chose : si elle ne faisait pas ce que ses parents voulaient, ils étaient capables du pire. Elle obéit donc, dans la mesure du possible. Dans la mesure de ce qu'elle était capable d'endurer. Mais elle bouillait, à l'intérieur. Un feu qui ne faisait que croitre, que grandir. Une haine contre ses parents, contre ce coven qui avait l'esprit fermé, des moeurs archaïques. Elle laissa les gens penser qu'elle n'avait rien dans le crâne en entreprenant une carrière de mannequin, jouant l'écervelée, badinant avec des membres de la Summer Court pour jouer son rôle à la perfection.

Puis, à l'âge de vingt-trois ans, sa mère lui imposa le mariage. Elle refusa catégoriquement, lui faisant comprendre qu'elle avait bien l'intention de se marier avec quelqu'un qu'elle aurait choisi elle-même. Sa mère ne l'entendait pas de la sorte. « Ecoutes-moi bien. On a déjà une wicked dans la famille, je n'accepterais pas qu'on ait une pimbêche stupide qui n'a qu'une vie de débauche. Tu épousera qui je déciderai, sinon, je m'arrangerais pour que tu rejoignes ta très chère soeur. C'est compris ? » Eevi serra des dents et acquiesça. Elle n'avait pas le choix.

Elle était bloquée dans cette prison dorée que tant devaient lui envier. Que tant devaient convoiter.. Si seulement ils savaient.