(wolfram) I only lie when I make a sound

Dans les yeux couleur océan du loup, les paillettes luisent sous les projecteurs, comme figées dans le temps. Plusieurs fois durant les représentations, il s’arrête pour apprécier le tableau, les grands sourires de ses danseuses, les plumes qui s’agitent, les sifflements dans la salle, les cris des jeunes femmes aussi synchrones que leur levé de jambe. C’est dans ce joyeux chaos qu’il s’épanouit chaque soir, et il n’est pas encore parvenu à s’en lasser. A chaque nouveau couché de soleil, c’est comme une renaissance. Ici viennent toutes sortes de gens, simplement en quête d’un bon moment. Le cabaret est ouvert à tous tant que l’on possède un tant soit peu de bienséance, Wolfram y veille personnellement. Si le spectacle semble désordonné, il est en réalité réglé comme du papier à musique, et Fairbairn ressent instantanément chaque accroc. Le corbeau comprend qu’il se passe quelque chose avant même que ses yeux se posent sur la source du problème. Les danseuses sont descendues se pavaner entre les tables, mais elle ne sont pas toutes revenues à la scène.

L’une des filles est retenue par un client un peu trop envahissant. Muni d’une coupe de champagne, Wolfram se glisse entre les personnes assises, un sourire exquis au visage, ne laissant rien transparaître de cette rage qui se glisse dans ses veines. Il a déjà vu cet homme plusieurs fois au cabaret, venir manquer de respect à ses filles, et ce soir, c’est la fois de trop. Il tire une chaise pour s'asseoir à la table de l’importun. Il semble plutôt âgé, bien trop pour être un membre de la cour de l’été. « Voyons monsieur, dit-il d’un ton doucereux, laissez donc repartir cette pauvre danseuse, elle a un spectacle à terminer. » Toujours faire preuve de diplomatie pour commencer. Donna fait bonne figure mais le loup sait qu’elle est mal à l’aise, l’homme la retient par le poignet. Wolfram jette un regard vers ses vigiles, qui se rapprochent lentement. Il sirote sa coupe avant de reprendre. « Si vous le souhaitez, je peux vous inviter dans les coulisses de mon beau cabaret, vous dévoiler ses plus grand secrets. » Quelque chose luit dans le regard de l’inconnu, et dégoûte Wolfram. « Je pourrais rencontrer les danseuses? » Fairbairn pose une main sur l’épaule de l’homme et lui offre un sourire plein de chaleur comme la cour de l'été en a le secret. « Bien sûr. Venez avec moi. » Il se lève et vérifie que l’autre le suive. Il a lâché la danseuse qui repart comme si de rien n’était vers la scène. Les deux hommes arrivent vers le côté de la scène puis continuent vers la salle où sont stockés les décors. Les vigiles, qui les ont suivis de près, ferment la porte derrière eux.

Wolfram s’approche de l’autre homme, une mine presque désolée collée au visage. « N’avez-vous donc pas lu l’écriteau au dessus du guichet? “On touche avec les yeux.” Les danseuses sont ma propriété, mon fond de commerce. Vous imaginez les dommages si tout le monde se comportait aussi sauvagement que vous? » Le blond a de plus en plus de mal à dissimuler son mépris pour cet énergumène. D’aucuns diraient que sa réaction est peut-être exagérée, mais l’enfant de l’été ne fait jamais dans la demi-mesure, surtout lorsqu'il s'agit de son cabaret, de ses affaires. « Si j’ouvre mon cabaret à tous, ce n’est pas pour que des gens comme vous viennent empiéter sur mon spectacle. Si vous avez des besoins à assouvir, il existe déjà bien des maisons closes à New York, vous y trouverez sans doute votre bonheur. » D’un geste de la main, il fait signe aux vigiles de s’approcher. « Que ceci vous serve de rappel et d’avertissement. » Ses hommes de main envoient leurs poings dans l’abdomen de l’homme qui tombe à terre sous la douleur. Comme ultime humiliation, Wolfram lui envoie un coup de pied dans les côtes. Il n’use même pas de la magie sur ce saugrenu, ce serait insulter la sorcellerie.  « Ne touchez plus à un cheveu de mes danseuses. » dit-il dans une colère froide, avant de remettre en place ses cheveux. « Jetez le dehors. » ordonne-t-il aux deux vigiles avant de quitter la salle.

Il passe par la salle de maquillage et ajuste son costume face à l’un des miroirs bordés d’ampoules. Il entend le spectacle toucher à sa fin, les danseuses envahissent bientôt la petite salle dans un brouhaha de délectations. Il embrasse les joues de certaines, prend d’autres dans ses bras, leur répète qu’elles ont une fois de plus été somptueuses. Dans la salle, le public en redemande, alors le loup remonte avec elles sur scène pour un encore. Son coeur bat au rythme des mains qui s’entrechoquent alors que l’audience se lève. Il s’approche du microphone posé sur un pied au milieu de la scène, un grand sourire aux lèvres. « Mesdames et messieurs, j’espère que vous avez passé un bon moment en notre compagnie! Notre principal plaisir est de voir ce joli sourire sur votre visage. Le Siren’s Call vous accueillera toujours à bras ouvertd, ne l’oubliez pas! Passez une excellente fin de soirée, nous vous aimons! » Il pose une main sur ses lèvres et envoie un baiser vers l’obscurité de la salle. Chaque soir au cabaret lui donne un sentiment d’accomplissement comme si c’était le premier et le dernier à la fois.