Arrow Kovalainen }} one shot

Avant de recevoir ta gemme, tu sembles déjà avoir une prédisposition à faire saigner les gens, notamment des oreilles. Un don du ciel, si tu en écoutes certains. Des éclats de rire fendent l’air.

Tes premières notes aux violons s’avèrent être un désastre.

Le violon est un instrument hérité depuis plusieurs générations du côté de ta mère. C’est tout naturellement qu’elle te l’a enseigné dès que tu as été suffisamment grande pour pouvoir l’apprendre. Elle t’a d’abord appris à lire des partitions, indispensables pour pouvoir aller loin puis est venu le temps de la pratique. Depuis ce jour-là, pas un jour ne passe sans que tu n’aies pas joué.

Alors au Polaris, tout le monde rit aux éclats quand tu exécutes tes premières notes au violon. Tu es vraiment mauvaise. « C’est normal » te murmure doucement ta génitrice en caressant tes cheveux roux.

La ville entière a déjà beau te faire comprendre que tu n’as pas ta place ici, comme le reste des Humains, ta famille s’est toujours évertuée à conserver ce petit coin de paradis autour de toi, te permettant de grandir et de t’épanouir en toute sécurité, bien que celle-ci ait été relative. Personne n’a jamais touché au Polaris, en faisant l’endroit le plus sûr de Staten Island. Au moins pour toi. Tu n’es pas sûre d’avoir vu un seul sorcier de toute ton enfance, alors que tu es restée cachée du monde, telle une merveille que l’on garderait jalousement pour soi. Mais évidemment, ce n’est pas comme si ta famille pouvait te garder éternellement éloignée de ces gens.

Tu n’as jamais grandi dans la richesse extravagante comme on peut la voir dans les autres quartiers. Non, toi, tu possèdes une autre richesse ; celle de pouvoir être libre, de choisir ta destinée. C’est ce que tu aimes à croire ; en grandissant, adolescente, tu en as vu, des sorciers prisonnier de leurs préceptes. Triste, malheureux. C’est déjà arrivé, perdue dans tes pensées, de compatir avec eux.

Ce n’est pas comme ça que tu veux vivre ta vie.
Mais tu sais que tu demandes l’impossible.



Tes paupières s’entrouvrent avec le bruit de la pluie qui tapote la vitre. Tu restes un moment allongée ; il te faut quelques minutes pour émerger.

Ce matin, tu es allé le voir pour te lover contre lui, comme toujours. Pourtant, ton intuition te murmure que quelque chose ne va pas. La maison est trop silencieuse ; non pas que les parents soient éveillés. Non, là, le silence est véritablement pesant.

C’est là que t’as compris.

Oui, c’est à ce moment-là, quand tu as pris sa main et que tu l’as trouvé froide, qu’il n’a pas ouvert les yeux que tu as compris.

Tu n’as plus de grand frère.
Edan est mort.

Il a toujours été maladif et faible ; finalement, il a succombé. Comme toi, mais en même temps beaucoup plus profondément. De loin ton aîné, il avait déjà réussi à s’illustrer comme un membre respecté du gang. Tu te rappelles que c’était un grand frère extraordinaire.

Il t’a fallu beaucoup de temps pour apprendre à vivre avec, mais tu sais maintenant que tu ne t’en remettras jamais vraiment.



Tu te tiens haut dans le ciel et tu sautes.

Enfin, il te semble que c’est très haut. Assez haut pour te faire mal, au moins. Tu n’en sais rien à vrai dire ; d’une part il fait nuit, de l’autre, tu as les yeux bandés.

Tu vas à l’encontre de la volonté de tes parents, aujourd’hui même. Ils auraient voulu que tu restes en dehors de tout ça, mais d’un autre côté, ils t’ont toujours laissée vivre avec eux. C’est un peu ta fierté finalement. Tu suis les pas d’Edan. Tu t’es remise de son départ ; du moins, tu as appris à vivre avec.

Tu tombes, vite, trop vite.

C’est le soir de ton intégration au sein des Revon. Si tu as toujours été à leurs côtés, tu n’as jamais été l’une d’entre eux à proprement parler. Tu dois jurer fidélité à ton gang, connaître pas coeur toutes les lois du clan. Ton acceptation est votée à la majorité. Tu te souviens de ce jour comme si c’était hier, grisée par le bonheur.

Le filet se tord à ton contact, ralentit ta chute.
Tu rebondis un peu sur le filet, avant que celui-ci ne se stabilise.

Tu inspires profondément.

Malgré la maladie, les efforts ont payé. Malgré le temps, tu as survécu, contrairement à Edan. Chaque jour, tu essayes de vivre pour deux. Tu essayes, mais ce n’est pas si facile. Finalement, tu te redresses lentement, la tête que tournes, des fourmis dans les jambes, avant de laisser échapper un rire ; c’est nerveux sans aucun doute, mais tu es heureuse de l’avoir fait.

C’est ton propre père qui t’a tatouée à la fin de la cérémonie. Il n’a pas eu d’autres choix que de le faire, une fois ton acceptation officielle. C’est ton premier tatouage ; un renard avec la lettre R.  

Les aurores boréales ne sont plus là pour onduler au-dessus de vos têtes, pourtant, envers et contre tout, vos têtes sont remplies de leurs couleurs.



La nuit des étoiles s’est révélée être un tournant pour toi, peu importe à quel point tu fais l’autruche depuis.

T'étais là, dehors, avec les tiens quand l'atmosphère a subitement changé. T'étais un train de te battre avec un mec jusqu’à que tu lui colles ton pied dans la figure. Un moment d'inattention qui lui a coûté cher. Tu roules sur le sol pour te retrouver sur le ventre, te sert de tes bras pour te soulever sur tes deux pieds, la poussière se soulève autour de toi. Tu éternues. Toi et les tiens, vous vous regardez, perplexe. La nuit a été assez dingue.

Depuis, tout est différent, cette nuit t'obsède, alors qu'il ne s'est rien passé de particulier pour toi ; tu as évité les émeutes et tu t'es cloitrée chez toi, en attendant que les choses se tassent. Depuis, tu penses à ces gemmes, c'est une véritable obsession, tu te retiens, même si ça te démange. Le temps, passent, longuement, mais il faut croire que le destin fait éventuellement son travail ; c'est la gemme qui finit par te trouver. Tu la vois, rouge, magnifique. Tu sais que si tu la touches c’est fini. Tu en as envie mais tu résistes. Finalement tu aurais peut-être dû la donner à tes supérieurs mais tu l'as gardée dans ta poche, prenant soin de ne pas la toucher à mains nues, la laissant enveloppée dans un mouchoir en soie.

Tu t'obstines, mais encore une fois, le destin te pousse. Une fois de plus, malgré toi tu n'as pas le choix.



Quelqu'un veut ta pierre. Ca a de la valeur au marché noir, cette connerie. Cet inconnu t'attrape et entame une véritable fouille au corps. C'est peut-être un red thieves, mais l'histoire prouvera qu'il s'est trompé de pierre. Toujours est-il qu'il trouve la tienne, te la prend, ouvre la mouchoir pour observer le petit caillou avec un certain émerveillement. Dans un geste désespéré, tu lui prends la pierre des mains. Tu la touches. A main nue. Il observe tes azurs se parer d'un vermeil envoûtant. Malgré ton air d'enfant sage et d'innocence, ça te va à ravir. La pierre est faite pour toi. C'est ta pierre.

L'inconnu ne voit pas les choses ainsi, se jette sur toi pour reprendre la pierre. Quelle erreur d'avoir voulu te toucher ; l'homme s'immobilise et alors que la pierre investit chaque cellule de ton corps, l'homme paye le prix de son affront en subissant une explosion provoquée par la gemme. Le Et toi, tu te mets à hurler. Ce n'est pas ce que tu voulais faire.

Les larmes courent sur tes joues alors que tu paniques. Tu n'arrives pas à lâcher la pierre, pourtant.

Il s’est trouvé que c’était la pire erreur que tu puisses faire ; l’explosion a tué un sorcier. Au lieu de t’enfuir comme tu le fais d’habitude, t’es restée debout, hébétée.

Ce sont des sorciers de la Day Court qui manquent de te trouver. Et tu tiens au milieu de la pièce, pierre à la main, tes yeux abritant toujours légèrement une lueur rougeâtre. Il te reste une once de conscience pour entendre une porte qui s’ouvre. Tu t’animes à nouveau, le coeur au bord des lèvres, mais toujours vivante. Tu prends alors la tangente avant qu’ils n’arrivent, avant qu’ils te prennent ton dernier souffle ; ils ne verront que ton dos. Par miracle, t’as réussi à t’enfuir, peut-être qu’on t’a aidé, tu sais plus trop, ça s’est passé tellement vite. T’as jamais couru aussi vite de toute ta vie. Tu n’as jamais serré quelque chose aussi fort dans ta main depuis longtemps.

Mais une fille rousse, ça ne s’oublie pas. Il n’y en a pas beaucoup à Staten Island. Tu te décolores les cheveux jusqu’à qu’ils soient blonds platines. Tu relèves la tête, tu te regardes dans le miroir, les yeux gonflés par les pleurs. Tu renifles longuement, avant de laisser échapper un nouveau sanglot et de jurer.

T’as tué quelqu’un.
Arrow a tué quelqu’un.  

Qui pourrait bien vouloir t’aider ?

Les cheveux tombent dans l’évier, au rythme du claquement du ciseaux que tu as à la main.

Tout le monde se souviendra de la petite fille à la crinière automnale ; personne ne saura ce qu’elle est devenue.



Tu ouvres les yeux. Comme à ton habitude, tu restes allongée dans ton lit, le temps de te vivifier un peu. Tu n’as pas envie de te lever. La pluie pianote sur la fenêtre, une fois de plus. Cette chambre ne va pas être tienne longtemps, ce lit non plus, tu ne sais pas pendant combien de temps tu dormiras dedans.

Tu inspires longuement, tourne la tête vers la vitre ; il fait nuit noire. C’est sûrement l’heure pour toi d’aller travailler. Tu te redresses alors, entreprends de t’habiller, de recouvrir un peu ce corps recouvert de tatouages. Tu les observe un moment, pensive.

Qu’est-ce que tu vas faire ? Tu as plus ou moins disparu de la circulation, même si tu as essayé de faire passer un message à ta famille pour dire que tu allais bien. Une lettre, très exactement. Tu ne sais pas s’ils l’ont vraiment reçue. Tu ne sais pas si tes parents pourraient supporter l’idée de perdre un autre enfant. Pourtant, tu es persuadée que le fait de savoir où tu es ne leur rendra pas service. Tu as fui le Polaris et Revon. Tu sais qu'ils sont ralliés à cette cause, qu'ils pourront t'aider. D'un autre côté, les gens semblent tellement prêt à tout pour s'accaparer des Red Thieves et en faire... Tu n'en sais rien.

Tu soupires longuement.

Tu vis ailleurs pour le moment, et tu essayes de survivre, tant bien que mal. Dès que tu sens le danger, tu fuis.
Ton regard s’arrête sur ton avant-bras, où tu trouves le tatouage de ton gang. Tu les a un peu laissé tombé dernièrement. Cependant, tu sais que tu restes quelque part dans leur coeur. Tu auras toujours l’occasion de t’expliquer quand tu les retrouveras. En tout cas c’est ce que tu espères. Pour l’instant, ta priorité est de te faire passer pour une humaine, de trouver d’autres Red Thieves, de trouver quelqu’un qui pourra t’aider. Pour l’instant, tu essayes d’éviter les problèmes. Tu essayes d’éviter d’attirer les sorciers vers le Polaris, pour qu’il puisse continuer à être un havre de paix pour les humains, ce que tu n’es plus. Qu’es-tu au juste ?

Tu t’efforces d’esquisser un sourire, d’enfiler ce masque, celui qui laisse croire aux autres que tout va bien. Tu ramasses la housse contenant ton violon et te dirige vers ton lieu de travail du jour. Jusqu’à présent, tu as refusé de t’associer à un coven, mais tu y songes de plus en plus. Tu ressens le besoin de trouver ce sentiment de sécurité que tu as perdu il y a quelques mois. Tu ne veux pas passer ta vie à avoir peur et à fuir un potentiel danger. Mais d’un autre côté, tu ne veux pas devenir un pion, tu ne veux pas être réduite à l’état de servante. Tu ne te laisseras pas enchaîner.

C’est ce que tu as décidé, en tout cas.
Mais qui sait si tu pourras tenir longtemps ainsi.